Équilibres entre phases

On appelle phase un milieu homogène en propriétés physico-chimiques (en particulier en composition). La matière peut se trouver sous différentes phases : vapeur, liquide, solides (différentes phases solides peuvent être possibles pour un même mélange, si des structures cristallines différentes peuvent exister).

Des mélanges peuvent, dans des conditions particulières de température et de pression, donner lieu à l'apparition simultanées de plusieurs phases, qui tendent vers un état d'équilibre : les équilibres entre phases sont d'une très grande importance pratique, parce les différents constituants se répartissent en général de façon différente entre les phases, ce qui permet de concevoir des procédés de séparation.

Considérons un tel mélange, caractérisé par des nombres de moles globaux \[\underline{N}\], et supposons que, dans des conditions de température et de pression fixées, ce mélange se sépare en deux phases (pour fixer les idées, nous supposerons qu'il y a une phase liquide et une phase vapeur à l'équilibre). Chacune des phases a sa propre composition, caractérisée par des nombres de moles \[{\underline{N}}^{\left(L\right)}\]  et \[{\underline{N}}^{\left(V\right)}\], et par bilan matière :

\[\underline{N}={\underline{N}}^{\left(L\right)}+{\underline{N}}^{\left(V\right)}\]

La température et la pression des deux phases à l'équilibre sont égales (voir le schéma)

Équilibre entre phases. | Jacques Schwartzentruber | Informations complémentaires...Informations
Équilibre entre phases.Informations[2]

Si le système global est fermé (les nombres de moles \[{N}_{i}\] ne varient pas), chaque phase est un système ouvert, et nous pouvons écrire l'enthalpie libre du système global comme la somme des enthalpies libres de chacune des phases :

\[G={G}^{\left(L\right)}\left(T,P,{\underline{N}}^{\left(L\right)}\right)+{G}^{\left(V\right)}\left(T,P,{\underline{N}}^{\left(V\right)}\right)\]

Pour écrire l'équilibre, écrivons la condition \[{d}_{\mathrm{TP}}G=0\] (voir le cours sur l'Enthalpie libre[3]) :

\[{d}_{\mathrm{TP}}G={d}_{\mathrm{TP}}{G}^{\left(L\right)}+{d}_{\mathrm{TP}}{G}^{\left(V\right)}=0\]

avec, d'après \[dG=VdP-S dT+\sum _{i=1}^{c}{\mu }_i dN_i\] (voir le cours le Potentiel chimique[4])

\[{d}_{\mathrm{TP}}{G}^{\left(L\right)}=\sum _{i=1}^{c}{\mu }_{i}^{\left(L\right)}{dN}_i^{\left(L\right)}\]
\[{d}_{\mathrm{TP}}{G}^{\left(V\right)}=\sum _{i=1}^{c}{\mu }_{i}^{\left(V\right)}{dN}_{i}^{\left(V\right)}\]

Or, le système global étant fermé (et non-réactif), les nombres de moles totaux de chaque constituant doivent se conserver :

\[{dN}_i={dN}_{i}^{\left(L\right)}+{dN}_{i}^{\left(V\right)}=0\]

La différentielle isotherme isobare de l'enthalpie libre du système s'écrit finalement :

\[{d}_{\mathrm{TP}}G=\sum _{i=1}^{c}\left({\mu }_{i}^{\left(L\right)}-{\mu }_{i}^{\left(V\right)}\right){dN}_{i}^{\left(L\right)}\]

Cette différentielle doit être nulle quelle que soit la perturbation élémentaire réversible apportée à l'état d'équilibre, en particulier on peut imaginer de ne faire transférer que l'un seul des constituants du mélange. Il faut donc que chacun des termes de la somme soit nul, c'est-à-dire :

\[\forall i\in \left[1,\dots ,c\right]~:~~~{\mu }_{i}^{\left(L\right)}={\mu }_{i}^{\left(V\right)}\]

Lorsque plusieurs phases sont à l'équilibre, chaque constituant a le même potentiel chimique[5] dans toutes les phases.

Supposons maintenant une transformation réelle à température et pression constantes, partant d'un état de non-équilibre, par exemple d'un état dans lequel pour un constituant \[i\] particulier, on ait \[{\mu }_{i}^{\left(L\right)}>{\mu }_{i}^{\left(V\right)}\].

L'enthalpie libre du système doit diminuer pour atteindre l'équilibre, c'est-à-dire que :

\[{d}_{\mathrm{TP}}G=\left({\mu }_{i}^{\left(L\right)}-{\mu }_{i}^{\left(V\right)}\right){dN}_{i}^{\left(L\right)}<0\]

ce qui impose \[{dN}_{i}^{\left(L\right)}<0\] : le constituant \[i\] a tendance à passer de la phase liquide vers la phase vapeur.

Ce résultat se généralise :

Fondamental

Un constituant a spontanément tendance à passer de la phase dans laquelle son potentiel chimique[5] est le plus élevé vers la phase dans la-quelle son potentiel chimique[5] est le plus faible.

Ce transfert continue jusqu'à l'équilibre, c'est-à-dire lorsque les potentiels chimiques sont les mêmes entre les deux phases.