Autres modèles
Les critiques à la théorie classique de la nucléation sont de plusieurs sortes :
Le problème de la tension interfaciale
Dans les modèles classiques, les propriétés des agrégats sont supposées constantes et égales aux valeurs macroscopiques quel que soit le nombre d'unités qui les constituent. Cette hypothèse est inadmissible pour la tension superficielle {\sigma }_{\mathrm{SL}} des agrégats constitués de quelques monomères ou quelques dizaines de monomères, ne serait-ce qu'à cause de la divergence bien connue de la loi de Kelvin aux petits rayons de courbure (ou de manière équivalente aux faibles valeurs de i). En fait, on dispose d'un modèle de variation de {\sigma }_{\mathrm{SL}} en fonction du rayon de courbure R de la surface, c'est le modèle de Tolman qui s'énonce :
où {\sigma }_{\mathrm{SL}}^{\infty } est la tension superficielle à courbure nulle, {\delta }_{T} est le coefficient de Tolman. D'autres lois légèrement différentes ont été également proposées. Les travaux les plus précis concernant le coefficient de Tolman estiment sa valeur au dixième de nanomètre.
Un certain nombre d'auteurs ont mené les calculs de la dynamique de la nucléation en tenant compte de la non constance de {\sigma }_{\mathrm{SL}} ( Dillmann et Meier, 1989[1] ; Kozisek, 1991[2]).
Les modèles de clusters
Les physiciens ont montré très tôt les insuffisances de la théorie classique dans l'expression de l'enthalpie libre des agrégats.
Les premiers, Lothe et Pound (1962)[3] ont proposé une modélisation des agrégats en termes de physique statistique ; ils ont montré que la théorie classique ne prenait pas en compte des termes entropiques, dont la conséquence sur la distribution d'équilibre des agrégats est très importante.
L'approche physique statistique a été reprise et largement développée par Reiss et coll. (1970[4], 1990)[5]. Leur modèle prend en compte non seulement le nombre de monomères dans l'agrégat mais aussi le volume de celui-ci. La vitesse de nucléation calculée est en accord avec la C.N.T.[6] en ce qui concerne l'effet de la sursaturation, en mauvais accord quant à l'influence de la température.
Oxtoby (1992)[7], dans le cadre des density functional methods, suppose l'existence d'une enthalpie libre, fonctionnelle de la densité moléculaire moyenne dont le minimum correspond aux densités thermodynamiquement stables. Cette approche, continue dans sa démarche, permet de prendre en compte les potentiels d'interaction entre molécules ou ions. Elle introduit la notion d'agrégats de densité non uniforme notamment au voisinage de l'interface. Elle a été surtout appliquée aux transitions gaz-liquide et à la nucléation dans les milieux fondus.