Enthalpie libre des corps purs à l'état liquide et solide

Considérons le corps pur \(A\) à une température inférieure à sa température de fusion : il sera donc à l'état solide.

Cela n'empêche pas ce même corps de pouvoir exister à l'état liquide, mais en solution avec un autre corps (pensez par exemple au sel \(\ce{NaCl}\), qui fond à plus de 800°C, mais est bien sûr soluble dans l'eau liquide à la température ambiante).

Pour exprimer le potentiel chimique[1] du constituant \(A\) en phase liquide, on a l'habitude d'utiliser comme état de référence[2] le liquide \(A\) pur (voir le chapitre sur les équilibres liquide-vapeur[3]). Lorsque la température est inférieure à la température de fusion de \(A\), il s'agit bien sûr d'un état au mieux métastable (liquide surfondu). Le fait de prendre pour référence un tel état, qui peut même ne pas être physiquement observable, n'est pas gênant, à la condition que nous sachions calculer les propriétés de cet état.

Pour exprimer le potentiel chimique[1] du corps pur \(A\) à l'état de liquide surfondu, nous considérons la transformation décrite sur la figure suivante, qui consiste :

  1. à porter le solide \(A\) de la température \(T\) à sa température de fusion \(T_A^{(f)}\);

  2. à le fondre à cette température ;

  3. et à refroidir ensuite le liquide jusqu'à la température \(T\) sans le solidifier.

Transformation d'un solide en un liquide surfondu | Jacques Schwartzentruber | Informations complémentaires...Informations
Transformation d'un solide en un liquide surfonduInformations[5]

Pour chacune de ces étapes, la variation d'enthalpie et d'entropie est calculée sur le schéma (figure précédente).

Le long des étapes (1) et (3), qui sont de simples changements de température à pression constante, sans changement de phase, on intègre les relations bien connues[6] :

\[\left(\frac{\partial{h}}{\partial{T}}\right)_{P} = c_P\]

et

\[\left(\frac{\partial{s}}{\partial{T}}\right)_{P} = \frac{c_P}{T}\]

Le long de l'étape (2) (fusion), on a coexistence de liquide et de solide à l'équilibre. Il y a donc égalité de potentiel chimique[1] - ou d'enthalpie libre molaire - entre l'état liquide et l'état solide :

\[\begin{array}{rcl} \mu_A^{(S,pur)}(T_A^{(f)}) &= & \mu_A^{(L,pur)}(T_A^{(f)}) \\ h_A^{(S,pur)}(T_A^{(f)})-T_A^{(f)} s_A^{(S,pur)}(T_A^{(f)})&=& h_A^{(L,pur)}(T_A^{(f)})-T_A^{(f)} s_A^{(L,pur)}(T_A^{(f)}) \end{array} \]

Par définition de l'enthalpie de fusion :

\[h_A^{(L,pur)}(T_A^{(f)}) = h_A^{(S,pur)}(T_A^{(f)}) + \Delta h_A^{(L-S)} \]

d'où :

\[s_A^{(L,pur)}(T_A^{(f)}) = s_A^{(S,pur)}(T_A^{(f)}) + \frac{\Delta h_A^{(L-S)}}{T_A^{(f)}}\]

Si nous considérons maintenant la transformation globale, qui mène du solide au liquide à la même température \(T\), nous pouvons calculer la variation globale d'enthalpie libre :

\[\begin{array}{rcl} \Delta g \equiv \Delta \mu_A &=& \Delta h - T \Delta s \\ &=& (\Delta h^{(1)}+ \Delta h^{(2)}+\Delta h^{(3)})-T(\Delta s^{(1)}+ \Delta s^{(2)}+\Delta s^{(3)}) \end{array}\]

ce qui conduit à :

\[\mu_A^{(L,pur)}(T) - \mu_A^{(S,pur)}(T) = \Delta h_A^{(L-S)}\left(1-\frac{T}{T_A^{(f)}}\right ) +\Delta c_{pA}\left ( T_A^{(f)}-T-\ln \left(\frac{T_A^{(f)}}{T}\right) \right ) \]

\(\Delta c_{pA} = c_{pA}^{(S,pur)} - c_{pA}^{(L,pur)}\)

Les capacités calorifiques du liquide et du solide sont souvent assez proches ; de plus les énergies mises en jeu par phénomènes de changement de phase sont largement supérieures à celles mises en jeu par de simples changements de température. On peut le plus souvent négliger les contributions de "chaleur sensible" (étapes 1 et 3) par rapport à celle du changement de phase (étape 2).

On obtient alors :

\[ \mu_A^{(L,pur)}(T) - \mu_A^{(S,pur)}(T) \approx \Delta h_A^{(L-S)}\left(1-\frac{T}{T_A^{(f)}}\right )\]

Dans la mesure où l'objectif de ce chapitre n'est pas de faire des calculs précis d'équilibres liquide-solide, mais simplement d'interpréter qualitativement des diagrammes de phases, nous nous limiterons à cette expression simplifiée de la différence de potentiel chimique[1] entre le liquide et le solide purs.

On peut bien sûr faire un calcul totalement similaire pour le corps pur \(B\).