L'état standard
Reprenons l'expression de l'enthalpie d'un gaz parfait donnée plus haut :
Même dans le cas extrêmement simple du gaz parfait, nous voyons bien que pour calculer l'enthalpie, il faut connaître :
la capacité calorifique \[{c}_{p}\] en fonction de la température
l'enthalpie de référence \[{h}_{0}\]. Cette dernière grandeur apparaît comme une constante d'intégration a priori arbitraire, et peut effectivement être fixée de façon totalement arbitraire tant qu'il n'y a pas de réaction chimique. Mais lorsque des molécules peuvent se transformer les unes en les autres par des réactions chimiques, il est évident qu'il existe une relation entre les enthalpies de référence de ces différentes molécules et les énergies mises en jeu par les réactions.
On a donc cherché à définir un état de référence[1] le plus universel possible ; c'est l'état standard[2].
Définition :
L'état standard[2] d'un corps pur à la température \[T\] est défini comme le même état de la matière à la pression de 1 bar.
Dans le cas d'un gaz, l'état standard[2] correspond est l'état de gaz parfait pur sous 1 bar.
Remarque :
L'état standard[2] spécifie une pression (\[{P}^{\left(\mathrm{std}\right)}=1\] bar), mais pas de température : il y a un état standard[2] par température.
Cette définition, très officielle, a néanmoins l'inconvénient de faire apparaître, pour le même corps, trois états standards différents : ainsi, pour l'eau, l'état standard[2] sera la glace solide (cristallisée) en dessous de 0°C, l'eau liquide pure entre 0°C et 100°C, et la vapeur d'eau pure au dessus de 100°C, ces trois états étant liés par la connaissance des conditions de changement de phase.
l'état standard[2] est souvent un état fictif : si on s'intéresse par exemple à de l'eau liquide sous 120°C et 50 bars, l'état standard[2] sera l'eau liquide à la même température mais sous la pression de 1 bar, ce qui ne correspond pas à un état stable de la matière.
Comme on sait bien caractériser les changements de phase, rien n'empêche en fait de choisir comme état standard[2] un seul état de la matière, le mieux connu et le plus facile à caractériser. Cela nous conduit à la définition opérationnelle de l'état standard[2], qui sera utilisée dans ce cours :
Définition : Définition opérationnelle de l'état standard
Nous utiliserons comme état standard[2] pour tous les corps purs, autant que faire se peut, l'état de gaz parfait pur sous la pression \[{P}^{\left(\mathrm{std}\right)}=1\]. Le suffixe \[{}^{\left(\mathrm{std}\right)}\] se référera à cet état standard[2] gaz parfait.
L'état standard[2] ainsi défini reste souvent fictif : pour l'eau liquide à 20°C, on prendra ainsi un état de référence[1] standard vapeur d'eau pure à 20°C sous 1 bar, qui n'existe pas. Cela n'empêche pas de calculer les propriétés de la matière dans cet état standard[2], et au moins cet état standard[2] est unique pour un corps pur donné. Le fait de choisir un état gazeux comme état standard[2] a un double avantage :
au moins pour les composés moléculaires, l'état gazeux peut exister à chaque température (à basse pression) ;
les capacités calorifiques peuvent être déterminées de façon précise, à partir de mesures spectrométriques.
Il est des situations où on est quand même contraint d'utiliser la définition officielle de l'état standard[2], en particulier pour des corps non vaporisables ou difficilement vaporisables : par exemple, pour le carbone, l'état standard[2] est le graphite sous 1 bar. Pour les éléments de la chimie minérale (métaux, métalloïdes) on prendra de même la forme cristalline la plus stable (la forme liquide pour le mercure). Pour les solutés ioniques, on choisira un certain état de dilution dans l'eau (soit une solution molaire, soit une solution infiniment diluée). Lorsque nous utiliserons un état standard[2] autre que celui de gaz parfait, cela sera explicitement spécifié.
Les propriétés d'état standard[2] de pratiquement tous les corps purs d'intérêt industriel sont connues et se trouvent dans des tables. L'état de référence[1] pour constituer ces tables est en général les éléments ou corps simples (molécules formées d'atomes identiques, comme O2, He, ...) dans leur état standard[2] à \[{T}_{0}=298,15\] K (25°C). On y trouve au moins :
l'enthalpie de formation \[\Delta {h}^{\left(\mathrm{form}\right)}\left({T}_{0}\right)\] à partir des éléments dans leur état standard[2] ; par exemple, pour CO2, l'enthalpie de formation à 25°C est la variation d'enthalpie lors de la réaction de combustion du graphite :
les réactifs comme les produits étant dans leur état standard[2] ;
l'enthalpie libre de formation \[\Delta {g}^{\left(\mathrm{form}\right)}\left({T}_{0}\right)\] à partir des éléments dans leur état standard[2], c'est-à-dire la variation d'enthalpie libre lors de la réaction qui permet de les constituer à partir des éléments ;
la capacité calorifique à pression constante, \[{c}_{P}^{\left(\mathrm{std}\right)}\], en général sous la forme de paramètres d'une corrélation en fonction de la température.
Si l'on prend comme référence les éléments ou corps simples à 298,15K, l'enthalpie et l'enthalpie libre du gaz parfait s'écrivent :
avec
On en déduit sans difficulté les expressions de \[u\], \[s\] ou \[a\] : on sait donc calculer toutes les propriétés des gaz parfaits purs, dès que l'on connaît les propriétés standards.