Amorçage, propagation des fissures et fractographie
L’analyse fractographique des faciès de rupture en fatigue est excessivement riche d’enseignements. On distingue généralement trois zones correspondant respectivement aux phases successives d’amorçage, de propagation stable et de rupture finale instantanée. Il est souvent difficile au plan expérimental de connaître précisément les mécanismes d’amorçage des fissures. L’amorçage se fait généralement en surface du matériau ou à des interfaces par exemple entre matrice et inclusions ou encore le long des joints de grains. En surface du matériau, des instabilités plastiques locales sont susceptibles de se produire. La déformation se localise dans des bandes de glissement et le matériau subit des phénomènes d’intrusion (métal repoussé vers l’intérieur) et d’extrusion (métal repoussé vers l’extérieur) donnant naissance à une surface en dents de scie propice à générer une concentration de contraintes (voir Fig. ci-après). Consécutivement à l’amorçage, un premier stade de propagation, purement cristallographique le long des plans atomiques du matériau, se produit. On considère typiquement que la région comprenant l’amorçage et le tout premier stade de propagation s’étend, en relation avec la résolution des techniques expérimentales permettant de l’observer, à quelques grains métallurgiques.
Au-delà, la propagation se poursuit avec un caractère transgranulaire, toujours de manière lente et stable. La surface de rupture est essentiellement plane, elle présente un aspect lisse et soyeux. Macroscopiquement, il est possible de distinguer dans cette région (voir Fig. suivante) :
des lignes d’arrêt (ou lignes frontales) : elles correspondent aux macro-cycles subis par le matériau lors des différents fonctionnements de la pièce et représentent précisément les instants d’arrêt de la fissure (notons que ces lignes sont invisibles si la structure est sollicitée sous vide, leur présence est donc vraisemblablement liée à des phénomènes d’oxydation),
des lignes de crête (ou lignes radiales) : elles traduisent un certain écart à la planéité parfaite du faciès en marquant la propagation de la fissure le long de plans cristallins voisins, globalement parallèles mais décalés les uns par rapport aux autres.
En remontant les lignes d’arrêt et les lignes de crête, il est en principe possible de déterminer précisément la zone d’amorçage.
À l’échelle microscopique, il est possible d’observer des stries (figures suivantes) en relation ici aussi avec l’oxydation du front de fissure. Chacune de ces stries correspondant à un cycle de fatigue, elles traduisent donc l’avancée élémentaire de la fissure au cours de sa propagation globale. L’analyse par comptage des stries de fatigue fournit de précieux renseignements sur le comportement du matériau. Par exemple, il est possible, grâce à une analyse fractographique détaillée, de déterminer la vitesse de propagation de fissure ou de comparer de manière critique l’historique de la rupture du matériau à la sollicitation mécanique qu’il est supposé avoir subie.
Lors de la phase de propagation lente et stable, obéissant à la loi de Paris, la taille de la fissure et les contraintes locales en pointe de fissure augmentent. Il en va de même pour le facteur d’intensité de contrainte. Lorsque celui-ci atteint sa valeur seuil - la ténacité - la fissure se propage de manière brutale. Cette propagation, conduisant à la rupture catastrophique du matériau, est quasiment instantanée et se produit à la vitesse du son dans le matériau (3000 à ). Le faciès de rupture finale, de type ductile, laisse apparaître un aspect rugueux très facile à distinguer de celui de la région de propagation lente et stable (voir Fig. suivantes).