Introduction

Quelques dates importantes jalonnent l’histoire de la fatigue. Au milieu du XIXe siècle en Allemagne (1860), des ruptures prématurées d’essieux de wagons de chemins de fer, pourtant calculés et fabriqués pour travailler à l’intérieur du domaine élastique, amènent August Wöhler à développer l’essai spécifique de flexion rotative. À partir de cet essai, raisonnablement représentatif des conditions de fonctionnement des essieux, il propose d’apprécier les durées de vie et les dispersions de durées de vie des structures en fonction des contraintes maximales qui leur sont imposées, sous la forme de courbes «contrainte-nombre de cycles à rupture» (ou SN), dites courbes de Wölher.

En 1920, l’ingénieur aéronautique anglais Alan Arnold Griffith présente sa théorie de la rupture fragile. Dans les années 1940, les Liberty Ships, célèbres cargos américains fabriqués au cours de la Seconde Guerre mondiale et destinés à ravitailler les troupes alliées subirent de graves avaries conduisant à la perte de 362 unités. La cause des défaillances par rupture sévère est aujourd’hui parfaitement reconnue. Elle est à mettre en relation avec la faible ténacité des aciers utilisés et assemblés par un soudage de mauvaise qualité provoquant des amorçages de fissures en coin d’écoutille.

En 1956, l’américain Georges Rankin Irwin qui dirige alors un groupe de recherche à l’US Naval Research Laboratory note la singularité du champs de contrainte en pointe de fissure et développe sa théorie de la rupture avec plasticité localisée ou plasticité confinée.

Dans les années 1950, ce sont les accidents répétés par rupture de fuselage des avions anglais Havilland Comet, liée à la propagation de fissures amorcées sur les coins (trop) carrés des hublots, qui font la une de l’actualité. En 1960, Paris montre et convainc (difficilement) la communauté que l’on peut utiliser des matériaux fissurés, il introduit la notion de tolérance aux dommages dans le cadre de laquelle il propose une loi de propagation de fissures en fatigue largement utilisée aujourd’hui.

En 1968, Rice développe le concept d’Intégrale \(J\) afin de mieux décrire la répartition des contraintes dans les zones plastifiées de manière confinée. Ce paramètre sera également utilisé pour caractériser la ténacité des matériaux. À partir de 1970, la communauté scientifique s’intéresse à la fissuration en fatigue consécutive à des chargements complexes.

Actuellement, de nouvelles approches visent à relier le comportement local au comportement global mis en jeu lors de la rupture. Cette approche locale de la fissuration est nécessaire lorsque les limites des considérations désormais classiques présentées ci-dessus sont atteintes.