Approche globale : les courbes de Wölher

La fatigue est un terme générique qui traduit l’endommagement des matériaux, provoquant in fine leur rupture, lorsque ceux-ci sont soumis à des contraintes inférieures à celles qui provoqueraient la rupture quasi-statique, mais qui sont variables dans le temps (entre \(\sigma_\textrm{max}\) et \(\sigma_\textrm{min}\)).

La caractérisation globale et complète du comportement en fatigue d’un matériau requiert l’établissement de courbes de Wölher qui rendent compte de l’évolution du nombre de cycles à rupture, ou durée de vie du matériau, en fonction de la contrainte maximale appliquée au cours des cycles. On distingue trois domaines (voir Fig. ci-après) :

  • La fatigue oligo-cyclique (LCF : Low Cycle Fatigue) : \(\sigma_\textrm{max}\) est voisin, voire supérieur au seuil de plasticité initial.

    => le nombre de cycles à rupture \(N_R\) est faible (typiquement \(N_R < 10^4\))

  • La fatigue longue durée (HCF : High Cycle Fatigue) : \(\sigma_\textrm{max}\) est inférieur au seuil de plasticité initial. On distingue :

    => le domaine d’endurance limitée : la rupture se produit sans déformation plastique généralisée et pour un nombre de cycles élevé (typiquement \(N_R\) est compris entre \(10^4\) à \(10^7\)).

    => le domaine d’endurance illimitée : \(\sigma_\textrm{max}\) est suffisamment faible pour ne pas provoquer de rupture, même après un très grand nombre de cycles. Conventionnellement, on définit une limite de fatigue \(\sigma_D\), elle correspond à un nombre de cycles à rupture \(N_R =10^7\).

Allure générale d’une courbe de Wölher | Philippe Lours, École des mines d'Albi-Carmaux, 2014. | Informations complémentaires...Informations
Allure générale d’une courbe de WölherInformations[2]
Description des différents types de chargement en fatigue (Rsigma : rapport de charge) | Philippe Lours, École des mines d'Albi-Carmaux, 2014. | Informations complémentaires...Informations
Description des différents types de chargement en fatigue (Rsigma : rapport de charge)Informations[4]

Pour établir la courbe de Wölher d’un matériau, les éprouvettes à tester sont soumises à des cycles de contrainte caractérisés par un rapport de charge \(R_\sigma\) donné (figure précédente). La durée de vie (\(N_R\)) à une contrainte (maximale) donnée \(\sigma_\textrm{max}\) est mesurée. Au contraire d’un essai de traction qui conduit à une estimation déterministe des caractéristiques mécaniques \((R_{e\,0,2}\), \(R_m\), \(E\), \({\rm A_r\, \%}\)), les essais de fatigue donnent accès à des grandeurs statistiques. La dispersion des valeurs de \(N_R\) étant forte (de 1 à 3 typiquement), plusieurs essais sont réalisés pour la même contrainte \(\sigma_\textrm{max}\). Notons que le logarithme des (\(N_R\)) suit une loi normale. L’exploitation de ce caractère Log normal permet en particulier de déterminer avec une bonne précision le nombre de cycles admissibles garanti pour un risque de rupture donné.

Généralement, lorsque les contraintes imposées sont basses, dans le domaine de l’endurance par exemple, on estime que \({90}{\%}\) de la durée de vie relève de l’amorçage des fissures et \({10}{\%}\) concerne leur propagation. Au contraire, lorsque les contraintes sont élevées, typiquement dans le domaine oligocyclique, ces proportions s’inversent.

L’endommagement en fatigue revêt un caractère particulièrement sournois. En effet, en dehors du domaine oligo-cyclique où une déformation plastique généralisée est susceptible de se produire, la pièce endommagée en fatigue-endurance ne travaille globalement que dans le domaine élastique. En conséquence, jusqu’au dernier cycle précédant la rupture, elle maintient précisément sa forme initiale et ne présente pas de signe macroscopique de dégradation. C’est à l’échelle microscopique que l’endommagement est observable au droit de zones de concentration de contrainte, telles que des singularités géométriques, des défauts de surfaces ou des défauts microstructuraux, en particulier les inclusions, les microretassures ou les particules durcissantes comme par exemple les carbures, les nitrures ou les carbonitrures. Localement, dans ces zones et en fonction des charges appliquées, la contrainte peut le cas échéant dépasser la limite d’élasticité du matériau. La dispersion des valeurs de durée de vie est directement liée à la probabilité de rencontrer dans le corps de l’éprouvette testée un défaut susceptible de donner naissance à ce phénomène de plasticité confinée.

Les facteurs qui influencent le comportement en fatigue sont nombreux, on peut noter par exemple :

  • la température,

  • l’environnement (vide, atmosphère oxydante),

  • l’état de surface,

  • la concentration de contraintes \(K_t\),

  • les contraintes résiduelles,

  • la taille de l’éprouvette ou de la pièce : en effet la probabilité de trouver un défaut de surface ou un défaut interne critique est plus grande si le volume de matière mis en jeu est plus grand,

  • la forme du chargement \(R_\sigma\),

  • l’humidité relative : les fissures ne se propagent pas de la même manière selon l’humidité relative (en pointe de fissure, il peut y avoir dissociation des molécules d’eau et fragilisation par l’hydrogène),

  • la fréquence (on peut cependant extrapoler, peu d’effet tant qu’on n’échauffe pas, \(100 - {150}{\rm \, Hz}\) limite pour les métaux, quelques \({\rm \, Hz}\) pour les polymères),

  • les paramètres intrinsèques au matériau : microstructure, composition, taille de grains (celle-ci devra être la plus petite possible pour améliorer les performances en fatigue et on notera ici l’intérêt des procédés de métallurgie des poudres permettant d’obtenir des tailles de grains très fines).

Dans certains cas, en plasticité confinée par exemple où la zone d’intérêt est entourée d’une zone déformée élastiquement qui impose ses conditions aux limites, les éprouvettes d’essai sont soumises dans le domaine oligocyclique à des cycles de déformation imposée (voir Fig. suivante) et la contrainte, qui est ce qu’elle est, est enregistrée en fonction du nombre de cycles appliqués ou de la déformation plastique cumulée. Dans la plupart des cas, la contrainte diminue en fonction du nombre de cycles, générant ainsi un adoucissement du matériau, puis se stabilise avant que la rupture ne soit atteinte. Pour certains matériaux cependant, la contrainte peut augmenter, au moins au cours des premiers cycles. On parle alors de durcissement cyclique.

Il est généralement admis qu’il existe une relation entre la déformation plastique et la durée de vie. Cette expression, due à Manson & Coffin[5], et linéaire en représentation Log-Log, est présentée à la dernière figure.

Boucle d’hysteresis contrainte-déformation pour un acier X38CrMoV5 (H11) | Philippe Lours, École des mines d'Albi-Carmaux, 2014. | Informations complémentaires...Informations
Boucle d’hysteresis contrainte-déformation pour un acier X38CrMoV5 (H11)Informations[7]
Relaxation de contrainte | Philippe Lours, École des mines d'Albi-Carmaux, 2014. | Informations complémentaires...Informations
Relaxation de contrainteInformations[9]
Courbe de Manson Coffin (acier H11-H13 et l’INCO718 testés à 550 °C) | Philippe Lours, École des mines d'Albi-Carmaux, 2014. | Informations complémentaires...Informations
Courbe de Manson Coffin (acier H11-H13 et l’INCO718 testés à 550 °C)Informations[11]