Les phénomènes de ségrégation
Les conditions de réalisation de l’équilibre thermodynamique exigent des vitesses de refroidissement très lentes, pour qu’à chaque instant, chacune des phases en présence puisse être considérée comme chimiquement homogène. En pratique ces conditions sont très rarement réalisées.
L’homogénéisation est assurée par les phénomènes de diffusion qui seront décrits au chapitre V. Généralement la diffusion est beaucoup plus lente en phase solide qu’en phase liquide et on peut admettre en première approximation que :
la diffusion est nulle en phase solide,
l’homogénéisation est parfaite en phase liquide.
Ces hypothèses permettent de décrire qualitativement le phénomène de ségrégation.
Si un alliage de composition est refroidi depuis l’état liquide (voir Fig. ci-après), il apparaît des cristaux de phase \alpha de composition {\rm (X_S)_C} dès la température T_c de solidification commençante. Si la diffusion était parfaite les compositions des phases solide et liquide suivraient rigoureusement le solidus \ce{M0M1} et le liquidus \ce{P0P1}. À la température T, on aurait des cristaux solides de phase \alpha homogènes de composition {\rm X_S} et une phase liquide homogène de composition {\rm X_l}. La solidification serait terminée à (T_f)_{th}, les dernières traces de liquide ayant la composition {\rm (X_l)1}.
En réalité, la diffusion est incomplète et, étant supposée nulle à l’état solide, les couches successives de solide qui se forment à partir du liquide n’évoluent pas et il n’y a équilibre thermodynamique qu’à l’interface entre les deux phases. À la température T, on a donc en équilibre un liquide de composition {\rm X_L} et une phase solide de composition hétérogène variant de {\rm (X_S)_c} au centre à {\rm X_S} à l’interface. On peut calculer à partir des hypothèses faites, la composition moyenne \bar{X_S} de la phase solide : la courbe \bar{X_S} = f\left(T\right) s’appelle le solidus moyen.
Le déroulement de la solidification peut donc être décrit par le schéma ci-dessous qui tient compte d’une certaine diffusion à l’état solide. Sur ce schéma :
\ce{M0c} représente l’évolution de la composition au centre des grains,
\ce{M0t} représente l’évolution de la composition de la surface des grains (solidus théorique),
\ce{M0r} représente l’évolution de la composition moyenne des grains (solidus moyen).
En conséquence, à la température de fin de solidification théorique, il reste encore du liquide dont la fraction massique est donnée par la règle des segments inverses appliquée entre le liquidus et le solidus moyen :
\frac{m_l}{m} = \frac{\bar{M_{1{\rm (moy.)}}M_1}}{\bar{M_{1{\rm (moy.)}} P_1}}
La solidification se termine à la température \left(T_f \right)_{\rm moyen}. La composition moyenne est \ce{X}, mais elle varie du centre au joint de grain de \ce{X}(M_{2{\rm (cent.)}}) à \ce{X}(M_{2{\rm (th.)}}). C’est le phénomène de ségrégation mineure qui est caractérisé par l’intervalle de ségrégation \ce{X}(M_{2{\rm (th.)}})-\ce{X}(M_{2{\rm (cent.)}}). Elle s’oppose à la ségrégation majeure qui est une hétérogénéité à l’échelle du lingot.
Dans le cas d’un diagramme de phases eutectique, les phénomènes de ségrégation peuvent entraîner l’apparition d’eutectique même pour les alliages de composition \ce{X} telle que \ce{X} \leq \ce{X}(S_1) (voir Fig. ci-après).
En effet, si l’on considère le solidus moyen à T_E + \epsilon, alors à cette température l’alliage est constitué d’un solide hétérogène \alpha et d’une phase liquide de composition \ce{X}(E) tels que :
\frac{m \left(l\right)}{m} = \frac{\bar{S_{1{\rm (moy.)}} N}}{\bar{S_{1{\rm (moy.)}} E}}
À la température T_E, le liquide eutectique donne naissance à l’agrégat eutectique tel que :
\frac{m\left(\textrm{eut.}\right)}{m} = \frac{\bar{S_{1{\rm (moy.)}} N}}{\bar{S_{1{\rm (moy.)}} E}}
La quantité d’eutectique formée du fait des phénomènes de ségrégation est généralement faible et le constituant se localise essentiellement sur les joints de grains de telle sorte qu’une élévation ultérieure de température peut conduire à la désagrégation du métal qui est alors dit «brûlé». Il faut repasser par l’état liquide pour régénérer l’alliage. Ceci explique pourquoi la mise en solution des alliages d’aluminium (présentant souvent un diagramme de type eutectique) se fait généralement à une température légèrement inférieure à T_E.