Cas de la transformation eutectique
Une telle transformation est schématisée sur le diagramme binaire de la figure ci-après. Ce diagramme présente trois domaines monophasés :
le domaine liquide \ce{L},
le domaine de solution solide primaire \alpha de \ce{B} dans \ce{A},
le domaine de solution solide primaire \beta de \ce{A} dans \ce{B}.
À la température T_E, les alliages \ce{X} (masse % de \ce{B}) tels que X(S_1) \leq X \leq X(S_3) sont triphasés et composés de \alpha(S_1), de liquide (\ce{E}) et de \beta(S_3). On met en évidence l’équilibre eutectique :
\textrm{Liquide}\left(E\right) \Leftrightarrow \alpha \left( S_1\right) + \beta \left( S_3\right)
Étudions quelques cas de transformations subies par les alliages \ce{A-B} pour des refroidissements lents depuis l’état liquide de façon à ce que l’équilibre soit constamment réalisé et que l’homogénéité de chacune des phases soit atteinte à chaque instant.
Alliages tels que 0 < X < X(S1)
La verticale caractéristique de ces alliages ne traverse pas l’horizontale eutectique et ils ne sont donc pas concernés par la transformation eutectique (voir Fig.).
Au cours du refroidissement, l’alliage subit les transformations suivantes :
T \ge T_c : l’alliage est dans l’état liquide à la composition homogène X.
T = T_c : ce point correspond au début de la solidification, les premiers cristaux de phase \alpha formés ont une composition X(M_0).
T_c \le T \le T_f : la fraction massique du solide \alpha croît au détriment de celle du liquide. À partir de la règle des segments inverses, on a au point N :
\frac{m\left(\alpha\right)}{m} = \frac{\bar{NP}}{\bar{MP}} \quad \textrm{et} \quad \frac{m\left(L\right)}{m} = \frac{\bar{MN}}{\bar{MP}}
Simultanément la composition chimique des deux phases varie. Dans ce cas, les deux phases s’enrichissent en \ce{B}, la composition de la phase liquide suit le liquidus \ce{P0PP1}, celle de la solution solide suit le solidus \ce{M0MM1}.
T = T_f : ce point correspond à la fin de la solidification, les dernières gouttes de liquide ont la composition X(\ce{P1}). L’intervalle T_c - T_f s’appelle intervalle de solidification.
T = T_2 : X est égal à la limite de solubilité de \ce{B} dans \ce{A}.
T \le T_2 : l’excès de \ce{B} donne naissance à une solution solide \beta de \ce{A} dans \ce{B}. Il y a formation de cristaux de phase \beta dont la fraction massique peut être déterminée grâce à la règle des segments inverses appliquée au domaine biphasé \alpha + \beta.
Si à partir du domaine biphasé \alpha + \beta, on remonte la température au-dessus de T_2 alors la phase \beta se dissout progressivement. Si le temps de maintien est suffisant, elle disparaît même complètement et l’alliage est monophasé \alpha. Ci-dessous est illustré ce type de transformation dans le cas d’un alliage Aluminium - Germanium cyclé de part et d’autre de la température T_2 (température de solvus). Le précipité de Germanium au centre de l’image adopte alternativement des formes à facettes lorsque T \le T_2 et des formes arrondies lorsque la dissolution opère à T \ge T_2. Globalement, la taille du précipité diminue compte tenu du temps de maintien cumulé au-dessus de la température de solvus T_2.
Remarque :
L’apparition d’une nouvelle phase en-dessous de T_c ou de T_2 se fait par des processus de germination et de croissance qui dépendent des conditions de refroidissement et que le diagramme de phases ne permet pas de préciser (le diagramme de phases ne peut par exemple prévoir la taille des grains de la solution solide \alpha). Ces processus seront décrits au chapitre V.
Le même type de raisonnement peut être appliqué au cas des alliages de composition X(\ce{S3}) \leq X \leq 100\% masse de \ce{B}.
Alliages tels que X(S1) < X < X(S3)
La verticale caractéristique de ces alliages traverse le palier eutectique. Ces alliages sont donc concernés par la transformation correspondante.
Alliages tels que X = X(E)
La composition de l’alliage est égale à celle du point eutectique : c’est l’alliage eutectique. C’est l’alliage qui demeure liquide à la température la plus basse (voir Fig. ci-après).
T > T_E : l’alliage est dans l’état liquide à la composition homogène \ce{X}.
T = T_E : deux nouvelles phases \alpha (\ce{S1}) et \beta (\ce{S3}) apparaissent par germination à partir du liquide suivant la réaction :
\textrm{Liquide}\left(E\right) \Leftrightarrow \alpha \left( S_1\right) + \beta \left( S_3\right)
Cette réaction a un caractère exothermique. Si l’évacuation de la chaleur dégagée est possible, il y a transformation progressive du liquide eutectique et l’alliage est alors composé de deux phases \alpha (\ce{S1}) et \beta (\ce{S3}) dans les proportions suivantes :
\frac{m\left(\alpha\right)}{m} = \frac{\bar{ES_3}}{\bar{S_1S_3}} \quad \textrm{et} \quad \frac{m\left(\beta\right)}{m} = \frac{\bar{S_1E}}{\bar{S_1S_3}}
T < T_E : la composition et la fraction massique des deux phases \alpha et \beta de l’alliage eutectique évoluent selon les règles de l’horizontale et des segments inverses.
Remarque :
Les deux phases \alpha et \beta apparaissent sous forme de très fins agrégats qui font des eutectiques de véritables constituants biphasés. Les deux structures micrographiques les plus typiques sont la structure lamellaire dans laquelle l’eutectique est formé de lamelles alternées des phases \alpha et \beta, l’espace interlamellaire dépendant fortement des conditions de refroidissement ; et la structure globulaire dans laquelle l’eutectique est formé de sphéroïdes de la phase α dans une matrice de \beta (ou inversement).
Alliages tels que X(S1) < X < X(E)
Ces alliages sont appelés alliages hypoeutectiques et leur refroidissement depuis l’état liquide peut être décrit de la manière suivante (voir Fig. ci-après) :
T = T_E + \epsilon : l’alliage est biphasé, il est constitué de cristaux de solution solide α de composition chimique \ce{S1} et de liquide eutectique de composition \ce{E} dans les proportions suivantes :
\frac{m\left(\alpha\right)}{m} = \frac{\bar{RE}}{\bar{S_1E}} \quad \textrm{et} \quad \frac{m\left(l\right)}{m} = \frac{\bar{S_1R}}{\bar{S_1E}}
Les grains de phase \alpha(\ce{S1}) formés avant l’eutectique sont dits proeutectiques.
T = T_E : la solution solide proeutectique ne subit aucune transformation. Seul le liquide eutectique subit la transformation isotherme :
\textrm{Liquide}\left(E\right) \Leftrightarrow \alpha \left( S_1\right) + \beta \left( S_3\right)
Cette transformation est identique à celle décrite pour l’alliage eutectique, mais elle n’affecte ici qu’une partie de l’alliage.
T = T_E - \epsilon : l’alliage est biphasé, il comporte des cristaux de solution solide \alpha de composition chimique \ce{S1} et des cristaux de solution solide \beta de composition chimique \ce{S3} dans les proportions suivantes :
\frac{m\left(\alpha\right)}{m} = \frac{\bar{RS_3}}{\bar{S_1S_3}} \quad \textrm{et} \quad \frac{m\left(\beta\right)}{m} = \frac{\bar{S_1R}}{\bar{S_1S_3}}
En appliquant ainsi la règle des segments inverses au domaine \alpha + \beta, on ne fait pas la distinction entre la phase \alpha proeutectique et la phase \alpha eutectique. Il est cependant préférable et plus conforme à la réalité physique de faire cette distinction en considérant qu’à T_E - \epsilon, l’alliage est composé de deux constituants :
\frac{m\left(\alpha - \textrm{proeutectique}\right)}{m_{\alpha}} = \frac{\bar{RE}}{\bar{S_1E}} \quad \textrm{et} \quad \frac{m\left(\alpha - \textrm{eutectique}\right)}{m{\alpha}} = \frac{\bar{S_1R}}{\bar{S_1E}}
Alliages tels que X(E) < X < X(S3)
Ces alliages sont appelés alliages hyper-eutectiques et leur description est similaire à celle des alliages hypo-eutectiques.