Calcul de l'équilibre liquide-solide

Considérons l'équilibre de la solution composée d'un soluté noté (2) et d'un solvant noté (1) avec le solide pur (2) à une température T et une pression P fixées.

Les deux phases étant à même température et même pression, la condition d'équilibre conduit à l'égalité suivante :

{\mu }_{2}^{L}\left(T,P,{x}_{2}^{L}\right)={\mu }_{2}^{S}\left(T,P,{x}_{2}^{S}\right)

Le solide étant pur (non solvaté), on considérera par la suite que {x}_{2}^{S}=1 et donc que son potentiel chimique s'écrit :

{\mu }_{2}^{S}\left(T,P,{x}_{2}^{S}\right)={\mu }_{2}^{S\mathrm{pur}}\left(T,P\right)

Le potentiel chimique du soluté en phase liquide s’écrit :

{\mu }_{2}^{L}\left(T,P,{x}_{2}^{L}\right)={\mu }_{2}^{L\mathrm{pur}}\left(T,P\right)+RT\mathrm{ln}\left({\gamma }_{2}^{\mathrm{eq}}{x}_{2}^{L,\mathrm{eq}}\right)

Dans ce cas l'état de référence du solide est : état liquide pur. Cet état est un état hypothétique de liquide surfondu à T et P.

Par combinaison des équations précédentes (Équilibre liquide-solide et Potentiel chimique en phase liquide), on obtient :

RT\mathrm{ln}\left({\gamma }_{2}^{\mathrm{eq}}{x}_{2}^{L,\mathrm{eq}}\right)={\mu }_{2}^{S\mathrm{pur}}\left(T,P\right)-{\mu }_{2}^{L\mathrm{pur}}\left(T,P\right)

En utilisant l'expression du potentiel chimique pour un fluide incompressible démontrée précédemment, on obtient

\begin{array}{ccc}\mathrm{ln}\left({\gamma }_{2}^{\mathrm{eq}}{x}_{2}^{L,\mathrm{eq}}\right)& =& -\frac{\Delta {h}_{f,2}\left({T}_{f,2},{P}_{0}\right)}{R}\left(\frac{1}{T}-\frac{1}{{T}_{f,2}}\right)+\frac{\left({P}_{0}-P\right)}{\mathrm{RT}}\left({v}_{L,2}-{v}_{S,2}\right)\\ & +& \frac{\left({c}_{{p}_{L},2}-{c}_{{p}_{S},2}\right)}{R}\left(-1+\frac{{T}_{f,2}}{T}-\mathrm{ln}\left(\frac{{T}_{f,2}}{T}\right)\right)\end{array}

Si on pose \Delta {c}_{p,2}=\left({c}_{{p}_{L,2}}-{c}_{{p}_{S,2}}\right) et \Delta {v}_{2}=\left({v}_{L,2}-{v}_{S,2}\right), on a

\mathrm{ln}\left({\gamma }_{2}^{\mathrm{eq}}{x}_{2}^{L,\mathrm{eq}}\right)=-\frac{\Delta {h}_{f,2}\left({T}_{f,2},{P}_{0}\right)}{R}\left(\frac{1}{T}-\frac{1}{{T}_{f,2}}\right)+\frac{\left({P}_{0}-P\right)}{\mathrm{RT}}\Delta {v}_{2}+\frac{\Delta {c}_{p,2}}{R}\left(-1+\frac{{T}_{f,2}}{T}-\mathrm{ln}\left(\frac{{T}_{f,2}}{T}\right)\right)

Cette relation montre que la fraction molaire à l'équilibre d'un soluté dans un mélange peut être calculée à partir des propriétés du solide qui cristallise : l'enthalpie et la température de fusion à pression atmosphérique, la différence des capacités calorifiques, et la différence des volumes molaires.

Cette équation peut être simplifiée en négligeant le terme proportionnel à la différence des capacités calorifiques \left(1-\frac{{T}_{f}}{T}+\mathrm{ln}\left(\frac{T}{{T}_{f}}\right)\right). Ainsi l'équation devient :

\mathrm{ln}\left({\gamma }_{2}^{\mathrm{eq}}{x}_{2}^{L,\mathrm{eq}}\right)=-\frac{\Delta {h}_{f,2}\left({T}_{f,2},{P}_{0}\right)}{R}\left(\frac{1}{T}-\frac{1}{{T}_{f,2}}\right)+\frac{\left({P}_{0}-P\right)}{\mathrm{RT}}\Delta {v}_{2}

À température fixe, l'effet de la pression dépendra du signe de la différence des volumes molaires du solide\Delta {v}_{2}.

  • Si \Delta {v}_{2}>0 soit \left({v}_{L,2}>{v}_{S,2}\right) une augmentation de pression entraînera une diminution de la fraction molaire à l'équilibre ({\gamma }_{2}^{\mathrm{eq}} étant supposé constant)

  • Si \Delta {v}_{2}<0 soit \left({v}_{L,2}<{v}_{S,2}\right) une augmentation de pression entraînera une augmentation de la fraction molaire à l'équilibre ({\gamma }_{2}^{\mathrm{eq}} étant supposé constant)

On retrouve ainsi la loi de Le Chatelier.

À pression modérée, dans la majorité des cas, la correction de pression n'est pas significative :

\mathrm{ln}\left({\gamma }_{2}^{\mathrm{eq}}{x}_{2}^{L,\mathrm{eq}}\right)=-\frac{\Delta {h}_{f,2}\left({T}_{f,2},{P}_{0}\right)}{R}\left(\frac{1}{T}-\frac{1}{{T}_{f,2}}\right)

Connaissant le coefficient d'activité du solide en solution, {\gamma }_{2}^{L}, son enthalpie de fusion, \Delta {H}_{f} et sa température de fusion, {T}_{f}, on peut en déduire la fraction molaire du solide à saturation.

Le coefficient d'activité permet de tenir compte de la non idéalité de la solution. Des modèles permettant de les calculer seront présentés dans la suite du cours.

Pour exemple, le kétoprofène qui est un anti-inflammatoire de formule brute {C}_{16}{H}_{14}{O}_{3} présente un solubilité de 124 ± 1 ppm à 20,1°C dans l'eau et de 0,431 ± 0,007 kg de kétoprofène/kg de solution à 19,8°C dans l'acétone. La température et l'enthalpie de fusion sont respectivement de 94,2 ± 0,5°C et 28 226 ± 254 J/mol. Les coefficients d'activité expérimentaux sont donc respectivement de 11000 et 0,651 respectivement dans l'eau et dans l'acétone ( Espitalier et coll. 1995).

Remarque

Si le solide se présente sous différentes formes cristallines, le calcul devra se décomposer en plusieurs étapes séparées par les températures de transition de phases cristallines ( Vidal 1997).