Efficacité de collision
Nous avons supposé que l'efficacité de collision était égale à 1, c'est-à-dire mettant en jeu des particules sans interaction. Qu'en est-il si les particules sont susceptibles d'interagir entre elles ?
Prenons le cas où la collision est due au mouvement Brownien. Nous aborderons d'abord le cas où seules des forces de nature physico-chimiques (forces de Van der Waals et forces de double couche électrique) sont présentes. Le lien avec la théorie DLVO va se faire ici.
Le flux de particules vers la particule de référence i doit maintenant tenir compte de la contribution de la force d'interaction à la vitesse ( Fuchs, 1934[2]) :
avec {F}_{\mathrm{int}}=-\frac{{{dV}}_{T}}{{dr}}
{V}_{\mathrm{int}} est la vitesse limite atteinte par une particule soumise à une force extérieure et à la force de frottement exercée par le fluide (comme un corps solide en chute libre). Le frottement est supposé ( à juste titre) obéir à la loi de Stokes.
Le même calcul (que sans interaction : voir les équations du paragraphe "Collision Brownienne"[3]) conduit à :
On peut trouver une signification physique à cette expression, en effectuant un développement limité du potentiel d'interaction autour de son maximum (présence de forces de Van der Waals et forces de double couche électrique), ( Ottewill et Wilkins, 1960[4]) :
d'où
avec \rho =\frac{1}{\mathrm{kT}}{\left(-\frac{1}{2}\frac{{d}^{2}V}{{{dr}}^{2}}\right)}_{r\mathrm{max}}
ou
On montre ainsi que la barrière d'énergie {V}_{T\mathrm{,max}} s'apparente à une énergie d'activation.
Fondamental :
Le noyau d'agrégation[5] est similaire à une constante cinétique de réaction chimique (loi d'Arrhénius).
En fait, des particules entrant en collision doivent évacuer le fluide se trouvant entre elles ; cet écoulement retarde, voire empêche le rapprochement des particules ; on assimile ce phénomène à une résistance hydrodynamique (ou friction). Ainsi, le facteur de friction intervenant dans l'expression de la diffusivité ou de la vitesse limite des particules est corrigé par un facteur G, fonction de la distance interparticulaire r ( Spielman, 1970[6]).
Les propriétés (supposées) de la fonction G sont les suivantes :
avec h=r-{R}_{\mathrm{ij}}.
Une bonne approximation pour G\left(h\right) est : G\left(h\right)=\frac{h}{\mathrm{min}\left({R}_{i},{R}_{j}\right)+h}.
On en déduit :
Le tableau suivant contient les valeurs du coefficient d'efficacité d'agrégation pour différentes situations expérimentales relatives à l'agrégation Brownienne de particules identiques de rayon R.
\frac{A}{6kT} | \frac{\varepsilon R \Phi_0^2}{2kT} | KR | \alpha^{-1} \, \quad \quad G=1 | \alpha^{-1} \, \quad \quad G\left(h\right) |
---|---|---|---|---|
1 | 0 | 0,865 | 1,490 | |
2 | 0 | 0,822 | 1,341 | |
5 | 0 | 0,758 | 1,156 | |
10 | 0 | 0,706 | 1,028 | |
20 | 0 | 0,652 | 0,911 | |
2 | 50 | 10 | 0,841.103 | 7,59.103 |
5 | 50 | 10 | 1,088 | 2,890 |
10 | 50 | 10 | 0,715 | 1,058 |
5 | 50 | 10 | 1,088 | 2,890 |
5 | 75 | 10 | 1,385.102 | 9,79.102 |
5 | 100 | 10 | 0,434.106 | 3,60.106 |
5 | 150 | 10 | 0,922.1014 | 9,32.1014 |
5 | 200 | 10 | 0,222.1024 | 2,57.1024 |
5 | 75 | 5 | 0,507.108 | 3,19.108 |
5 | 75 | 10 | 1,385.102 | 9,79.102 |
5 | 75 | 15 | 0,809 | 1,476 |
5 | 75 | 20 | 0,760 | 1,163 |
Remarque : Quelques commentaires s'imposent
en l'absence d'interaction répulsive, l'efficacité, peu dépendante de la constante de Hamaker, est proche de 1 ; la présence de la résistance hydrodynamique réduit d'un tiers l'efficacité.
l'efficacité dépend fortement du potentiel de surface : l'agrégation devient négligeable quand \frac{\varepsilon R{\phi }_{o}^{2}}{2\mathrm{kT}}>\mathrm{75}.
l'efficacité est aussi une fonction fortement croissante de \mathrm{KR}.
Remarque : Comment est modifiée la constante de vitesse d'agrégation Brownienne quand la taille des particules change, toutes choses égales par ailleurs ?
en l'absence d'interaction répulsive, l'efficacité et {k}_{0} sont très peu sensibles à la taille des particules ; il en est donc de même pour la constante cinétique {k}_{a} d'agrégation Brownienne.
en présence d'interaction répulsive et quand R augmente, \mathrm{KR} et \frac{\varepsilon R{\phi }_{o}^{2}}{2\mathrm{kT}} augmentent. L'efficacité étant plus sensible à \frac{\varepsilon R{\phi }_{o}^{2}}{2\mathrm{kT}} qu'à \mathrm{KR}, celle-ci tend rapidement vers 0 quand R augmente. {k}_{0} étant peu sensible à la taille des particules, on en déduit que la constante cinétique {k}_{a} d'agrégation Brownienne est une fonction le plus souvent fortement décroissante de la taille des particules.
Prenons maintenant le cas où, si on tient compte des interactions entre particules, la collision est due au cisaillement. La trajectoire des particules j ne suit plus les lignes de courant et n'est donc plus rectiligne. Le noyau d'agrégation obéit toujours à l'équation :
Mais, la surface d'interception nécessite une analyse des trajectoires des particules, lesquelles dépendent des forces d'interaction (déviation des particules). La trajectoire est obtenue à l'aide de l'équation cinématique :
\stackrel{\to }{{V}_{\mathrm{ij}}} est la vitesse relative de deux grains de type i et j
\stackrel{\to }{{V}_{\mathrm{int}}} est la contribution des forces d'interaction à la vitesse relative des 2 grains
\stackrel{\to }{{V}_{e}} est la vitesse relative due à l'écoulement (en tenant compte du drainage)
\stackrel{\to }{{V}_{b}} est la vitesse relative liée au mouvement Brownien.
Attention :
Il n'y a pas alors d'expression analytique pour {k}_{a} et \alpha .
On peut cependant représenter les résultats sous une forme simple dans quelques cas particuliers : par exemple, particules identiques sans force répulsive :
avec {C}_{A}=\frac{A}{\mathrm{36}\pi \mu \dot{\gamma }{R}^{3}}
et a\simeq 1b\simeq 0,2
Ceci montre que, pratiquement, \alpha est compris entre 0,1 et 1.
Dans ce cas particulier, plus le rayon des particules ou la puissance dissipée (c'est-à-dire, la vitesse de cisaillement) sont grands, plus faible est l'efficacité, mais plus élevée est la valeur de la constante cinétique d'agrégation ({k}_{a}\propto {R}^{2,4}{\dot{\gamma}}^{0,8}).
Il a été supposé jusqu'ici que les particules entrant en collision étaient sphériques sans porosité et formaient un doublet. En fait la situation est plus complexe, il a été montré théoriquement et expérimentalement, qu'une agrégation conduisait à des agrégats contenant de nombreuses particules primaires.
Nous examinerons successivement le mode de représentation des agrégats et la dynamique de leur agrégation.
L'agencement des particules primaires dans l'agrégat est le plus souvent aléatoire.
Le mode de représentation de ces agrégats est la fractalité. Il faut noter toutefois que le sens donné à cette notion par les physico-chimistes est sensiblement différent et moins restrictif que celui donné par les mathématiciens.
Les agrégats fractals sont caractérisés par une dimension fractale {D}_{f}\left(1<{D}_{f}<3\right), qui apparaît dans l'équation suivante :
Sest le facteur de structure. Il est parfois pris égal à 1. Gmachowski utilise la relation :
{R}_{i}est le rayon d'un agrégat contenant i particules primaires identiques. Le tableau ci-après indique pour différentes situations (nature de la collision, expérience ou simulation, mécanisme imposé théoriquement ou supposé expérimentalement) la dimension fractale couramment admise.
Nature de la collision | S ou E | Mécanique | D_f |
---|---|---|---|
Brownienne | S | DLA particule-agrégat | 2,5 |
Brownienne | S | DLA particule-agrégat | 1,78 |
Brownienne | E | DLA particule-agrégat avec restructuration | 2 |
Brownienne | S | RLA | 2,04 |
Brownienne | E | DLA particule-agrégat | 2,3 |
Sédimentation ou Cisaillement | S | Balistique | 1,91 |
Sédimentation | E | Balistique avec restructuration | 2,? |
Laminaire | E | 2,3 | |
Laminaire | E | Agrégation sous cisaillement | 2,1 |
Laminaire | E | Agrégation et fragmentation (restructuration) sous cisaillement | 2,5 |
Turbulent | E | Balistique agrégat-agrégat avec restructuration | 2,3 – 2,5 |
S : Simulation
E : Expérience
DLA : Agrégation limitée par la diffusion (Brownienne) {\phi }_{o}=\xi =0
RLA : Agrégation limitée par la réaction (collage ou efficacité d'agrégation faibles) {\phi}_{o}\ne 0
Peu a été fait sur la dynamique de la collision et du collage des agrégats.
L'usage est alors d'utiliser les mêmes modèles que pour des sphères, en gardant le noyau de collision {k}_{0}\left(i,j\right) (avec les rayons des agrégats obéissant à l'équation précédente[10]), mais en modifiant le coefficient d'efficacité \alpha\left({R}_{i},{R}_{j},{V}_{T},{H}_{2}\right). Celui-ci contiendra un nouveau paramètre : la perméabilité (fonction croissante de la porosité) de l'agrégat. Plus la perméabilité est grande, plus faible est la résistance hydrodynamique, plus grand est le coefficient d'efficacité.
{\alpha}_{i,j} est une fonction de \frac{{R}_{i}}{{\kappa }_{{i}^{1/2}}}, \frac{{R}_{j}}{{\kappa }_{{j}^{1/2}}} et {C}_{A}\textrm{'}=\frac{A}{36\pi\mu\dot{\gamma}{R}_{i,j,\mathrm{eq}}^{3}}. {\kappa }_{i} et {R}_{i,j,\mathrm{eq}} sont respectivement la perméabilité des agrégats et un rayon équivalent. Kusters a montré que l'agrégation[5] entre agrégats de même taille est favorisée. L'efficacité d'agrégation[11] peut être approchée par l'expression :
\frac{{R}_{i}}{{\kappa }_{i}^{1/2}} dépend très peu du nombre de particules primaires i. Ainsi, Gmachowski propose :
Cette expression sera préférée à la relation plus ancienne :
Ce sont essentiellement les écoulements à l'extérieur et à l'intérieur de l'agrégat, qui déterminent l'efficacité d'agrégation[11]. Cependant, les forces physiques d'interaction et la résistance hydrodynamique peuvent jouer un rôle au début de l'agrégation[5], quand les agrégats sont très petits. Il est conseillé d'utiliser :
tant que la valeur correspondante de {\alpha }_{i,i} est plus grande que celle donnée par l'expression vue précédemment[12] ou celle de Gmachowski[13]. Comme la contribution des particules primaires en vis-à-vis (une sur chaque agrégat) à la force de Van der Waals est la plus importante (voir l'illustration), {C}_{A}\mathrm{'} peut être exprimé par :
Les figures ci-dessous représentent l'efficacité d'agrégation en fonction du nombre i de particules primaires dans l'agrégat pour {R}_{1}=0,1\mu \mathrm{m} et {R}_{1}=1\mu \mathrm{m} (pour le système alumine dans l'eau, avec {D}_{f}=2,4 et \dot{\gamma }=\mathrm{50}{s}^{-1}). On constate que, même pour de petits agrégats, l'expression vue précédemment[14] ou celle de Gmachowski[15] doivent être utilisées.
On peut définir des temps caractéristiques d'agrégation à partir de l'expression de la vitesse d'agrégation[18]. On considère l'état initial de la suspension avec une concentration{N}_{0} en particules (supposées identiques) ; le temps caractéristique est alors :
On a alors pour l'agrégation Brownienne : {\tau }_{B}=\frac{3\mu }{8{\mathrm{kTN}}_{0}\alpha }
et pour l'agrégation sous cisaillement : {\tau }_{c}=\frac{3}{32\dot{\gamma }{R}^{3}{N}_{0}\alpha }=\frac{\pi }{8\dot{\gamma }{\phi }_{S}\alpha }
où {\phi}_{S} est la fraction volumique en particule.