Choix des méthodes de séparation

Les courants sortant du réacteur sont maintenant connus. Il reste à les séparer. La notion de séparation se décline selon quatre objectifs [ Tondeur, 1993[1]] :

  • L'extraction, qui consiste à séparer une substance de son milieu d'origine et la transférer dans un autre milieu ;

  • La concentration, qui consiste à augmenter la proportion d'une substance dans un milieu ;

  • La purification, qui consiste à éliminer les substances non souhaitées d'un milieu pour n'en conserver que la substance voulue ;

  • Le fractionnement, qui consiste à séparer plusieurs substances présentes dans un mélange.

Le Tableau suivant propose divers exemples de séparations dans de multiples branches industrielles.

Exemples de séparations [ Tondeur, 1993[1]]

Branche industrielle

Extraction ou Dissolution d'une matrice solide

Concentration de Solutions diluées

Purification

Fractionnement

Chimie

Extraction de colorants naturels

Production de sil par évaporation d'eau de mer

Production d'alcool pur par distillation

Cristallisation fractionnée des xylènes

Combustibles

Récupération assistée du pétrole-Schistes bitumineux

Récupération des phénols de gaz de cokerie

Élimination de soufre dans le gaz naturel

Raffinage du pétrole

Plastiques

Extraction des monomères après polymérisation

Évaporation des solvants

Préparations des monomères

Séparation des polymères par masse moléculaire

Nucléaire

Dissolution des barreaux de combustibles

Concentration de radionucléides par échange d'ions

Préparations d'Uranium métal

Enrichissement isotopique

Métallurgie

Minéralurgie

Attaque de la bauxite par la soude

Concentration des bains de traitement de surface

Raffinage électrolytique de l'argent

Séparation des platinoïdes

Engrais

Séparation des phosphates de la gangue

Concentration de l'acide phosphorique

Élimination de métaux dans l'acide phosphorique

Séparation de Na et K de la sylvinite

Alimentaire

Extraction du café, du thé

Concentration des jus de fruits

Raffinage du sucre

Fractionnement du glucose/fructose

Pharmaceutique

Médical

Extraction de métabolites des cellules

Ultrafiltration de jus de fermentation

Dialyse rénale

Électrophorèse des protéines

Papier

Dissolution de la ligno-cellulose

Concentration des liqueurs noires

Dépollution des effluents

Fractionnement des dérivées cellulosiques

Microélectronique

Attaque acide pour circuits imprimés

Récupération de métaux dissous

Fusion de zone du silicium

Fractionnement des chloro-silanes

Anti-pollution

Eau-Air

Lessivage des sols

Bassins de décantation

Production d'eau pure par adsorption

Séparation d'azote et d'oxygène

Il faut commencer par identifier les phases des différents courants provenant du réacteur et ensuite répondre aux questions suivantes :

  • A t-on besoin de moyens de séparation de gaz ? de liquides ? des deux ? Ceci permet de définir la structure générale du système ;

  • Dans le cas de séparation de gaz : où doit être placée la séparation, sur la purge (constituant à forte valeur ?), le recyclage (certains constituants néfastes à la réaction ?), en amont des deux ? Quel type ?

  • Dans le cas de séparation de liquides : Quelles séparations peuvent être faites par distillation ? Quel doit être l'ordre des colonnes à employer ? Comment faire les séparations si la distillation n'est pas faisable ?

Le choix du système de séparation de gaz sera fonction de la présence de condensables et/ou d'incondensables (considérés comme tels lorsqu'ils ne sont pas condensés après refroidissement dans les 30°C environ selon [ Douglas, 1988[2]]). Les moyens de séparation disponibles sont la condensation, l'adsorption, l'absorption, les séparations membranaires. Dans le cas de la séparation de liquides, si une distillation est réalisable, on séparera les produits par ordre de volatilité décroissante. Si une distillation simple n'est pas réalisable, on pourra envisager une distillation réactive, une extraction, une cristallisation...

Après avoir choisi toutes les séparations, le schéma de blocs est figé et le flowsheet du procédé bien avancé. Il est alors possible d'écrire les bilans de matière et d'énergie de manière beaucoup plus rigoureuse pour affiner le dimensionnement du réacteur, dimensionner les séparateurs et calculer le nouveau potentiel économique, EP4 :

\(EP_4 = EP_3 - \textrm{Coût annualisé des séparations}\)

Les opérations de séparation occupent une place essentielle dans tous les procédés de fabrication, non seulement par rapport au coût engendré mais également parce que, bien souvent, elles constituent le goulet d'étranglement du procédé.

Exemple

Reprenons l'exemple du procédé Lurgi. À la sortie du réacteur, le mélange va dans un flash, qui est en fait un séparateur gaz/liquide. Les gaz de synthèse (et impuretés) sortent en haut du séparateur pour être envoyés vers le recyclage et la purge. Le méthanol et l'eau (et autres impuretés) sortent en bas du séparateur pour être envoyés vers la distillation. Les composés

indésirables contenus encore dans le méthanol sont séparés en deux temps par distillation : les impuretés plus volatiles que le méthanol (dimethylether, acétone, ...) sont séparées dans une première colonne, les impuretés moins volatiles que le méthanol (hydrocarbures à chaîne longue C8-C40, cétones, ...) sont emmenées avec l'eau en pied de la dernière colonne.

Remarque

Dans le cas de la production de spécialités chimiques, la solution issue de la synthèse peut être très diluée (de quelques grammes par litre à quelques μg par litre de solution). Deux étapes sont à considérer : tout d'abord la définition de la séquence de séparation puis le choix des procédés. Les règles suivantes sont généralement adoptées [ Cussler et Moggridge, 2001[3]] :

  • Concentrer avant de purifier. La concentration d'un produit avant séparation influe sur le prix de vente de ce même produit à tel point que ces deux grandeurs sont bien souvent directement corrélées ;

  • Séparer d'abord les produits les plus concentrés ;

  • Faire les séparations difficiles en dernier ;

  • Extraire rapidement les matières dangereuses ;

  • Éviter l'addition de nouveaux composés. L'ajout de solvants (extraction), d'adsorbants (purification), de détergents (pour casser des parois cellulaires) est parfois nécessaire . Dans ce cas, il convient d'essayer de les retirer dès que possible ;

  • Éviter les températures extrêmes, les températures élevées pouvant détériorer les produits et les températures basses coûtant cher.

Si la distillation est la séparation reine dans les produits de base, elle est peu usitée dans le cas de spécialités chimiques. Par contre, on trouve couramment le procédé d'entraînement à la vapeur pour lequel de la vapeur d'eau entraîne un composé d'un mélange liquide, ce « distillat » est ensuite re-condensé et décanté de façon à séparer l'eau du composé (exemple : les huiles essentielles). L'extraction (via l'utilisation d'un solvant ayant une bonne affinité pour le produit d'intérêt), l'adsorption (via l'utilisation d'un adsorbant solide de grande surface développée et de bonne sélectivité vis-à-vis du composé d'intérêt) et la cristallisation et précipitation (par relargage, via un refroidissement de la solution) sont elles aussi très employées. Bien souvent, la cristallisation/précipitation est suivie d'une étape de filtration ou centrifugation puis d'une étape d'évaporation/séchage. Notons que les séparations membranaires sont également très utilisées ainsi que l'électrophorèse.