Identification des réacteurs et recyclages
Au troisième stade de décision, il s'agit de définir le cœur du procédé, c'est-à-dire le système où se produit la transformation des matières premières. Comme les compresseurs induisent généralement des coûts d'investissement et de fonctionnement annualisés élevés, il convient également de les prendre en compte à ce niveau de décision. Ces compresseurs sont nécessaires lorsque le gaz doit être alimenté ou recyclé sous pression. Le reste de l'installation, et plus particulièrement les séparations, reste à ce stade une boîte noire.
Si un réacteur ne représente pas forcément la plus grande part de l'investissement dans un procédé industriel, ses caractéristiques de fonctionnement conditionnent les installations placées en amont et en aval [ Villermaux, 1985[1]]. Les principaux facteurs gouvernant son fonctionnement sont :
Les données thermodynamiques et cinétiques de la réaction : vitesse de réaction, thermicité, équilibres, ... ;
Les données hydrodynamiques : écoulement des phases, mise en contact, mélange ;
Les données de transfert/transport de matière, chaleur, quantité de mouvement.
Toutes ces données, mises en œuvre dans une géométrie donnée de réacteur, concourent à relier l'ensemble des paramètres opératoires (concentrations, température, pression, débits) à l'ensemble des résultats (taux de conversion, distribution des produits, rendements). L'établissement de telles relations est l'un des objets du Génie de la Réaction Chimique[*]. Le lecteur intéressé par la méthodologie à suivre pour le développement d'un réacteur industriel se reportera aux références [ Villermaux, 1985[1]] et [ Douglas, 1988[2]]. Une classification des réacteurs chimiques est proposée dans le Tableau suivant.
Critère | Type de réacteur | Exemples industriels |
|---|---|---|
Circulation du mélange réactionnel | Réaction fermé (pas d'échange de matière avec l'extérieur) | Polymérisation en discontinu, chimie fine |
Réacteur semi-fermé (une partie de la charge est ajoutée ou extraite en cours d'opération) | Chlorations organiques de "petits produits" | |
Réacteur ouvert (la charge circule dans le réacteur) | Synthèse et traitement des intermédiaires pétrochimiques de gros tonnage | |
Évolution dans le temps | Fonctionnement en régime transitoire | Opérations discontinues. Démarrage des réacteurs continus. Marche continue des réacteurs ouverts |
Fonctionnement en régime permanent | ||
Degré de mélange des substances en réaction (cas extrêmes) | Réacteur parfaitement agité (composition uniforme - mélange parfait) | Sulfonations, nitrations, polymérisations |
Réacteur en écoulement piston (progression de la charge en bloc sans mélange entre tranches successives) | Réacteurs catalytiques tubulaires à lit fixe Réacteur tubulaires homogènes en régime turbulent | |
Mise au contact des phases | co-courant | Hydrodésulfuriation catalytique |
contre-courant | Absorption réactive d'un gaz dans un réacteur à ruissellement | |
courants croisés | Combustion du charbon sur sole à bande transporteuse |
Exemple :
Revenons à l'exemple du procédé Lurgi utilisé pour la production de méthanol à partir du gaz de synthèse, le réacteur est un réacteur ouvert de type tubes-calandre. Un tel réacteur tubulaire permet de développer une surface d'échange importante. En effet, rappelons que la chaleur libérée par la réaction chimique[*] est utilisée pour produire de la vapeur à partir d'eau liquide. Pour maximiser la récupération d'énergie, les fluides circulent à contre-courant, le gaz de synthèse étant injecté en partie supérieure et l'eau de refroidissement en partie inférieure.
À ce stage de l'arbre de décision, il s'agit ici de répondre aux questions suivantes :
Combien doit-on prévoir de réacteurs ? Faut il une séparation entre les réacteurs ?
Combien faut-il de recyclages ?
L'un des réactifs doit-il être en excès à l'entrée du réacteur ?
Un compresseur est-il nécessaire ? Si oui, quel est son coût ?
Le réacteur doit-il être adiabatique ? avec un chauffage ou un refroidissement direct ? ou par l'intermédiaire d'un fluide caloporteur ?
Faut-il déplacer l'équilibre chimique ? Si oui, comment ?
Dans quelle mesure le coût du réacteur affecte-il le potentiel économique ?
La réponse à ces questions permet d'estimer rapidement la composition des courants de recyclage et surtout les débits mis en jeu, utilisés pour définir la taille du réacteur. Cette troisième étape nous permet de tenir compte des coûts annualisés des réacteurs et des compresseurs. On définit alors le nouveau potentiel économique, EP3 :
\(EP_3 =EP_2 - \left(\textrm{Coût annualisé des réacteurs et des compresseurs} \right)\)
Remarque :
Dans le cas de la productions diversifiées réalisées dans des procédés génériques fonctionnant en discontinu, la problématique du choix du réacteur est différente. En effet, l'installation n'est plus dédiée à la production d'une seule spécialité. Les réacteurs doivent donc être polyvalents : leur choix est donc fonction de leur souplesse d'utilisation. Dans l'industrie pharmaceutique, on dispose par exemple souvent de cuves agitées en acier inoxydable.