Équilibre liquide-vapeur d'un mélange à température et pression élevées

Jusqu'à présent, nous avons vu comment modéliser simplement les équilibres liquide-vapeur d'un mélange, en utilisant :

  • l'équation des gaz parfaits pour la phase vapeur

  • une expression de l'enthalpie libre d'excès[1] pour la phase liquide, couplée avec la connaissance des pressions de saturation des corps purs en fonction de la température.

Cette approche est très efficace tant que la pression reste modérée (hypothèse du gaz parfait), mais surtout tant que l'on reste loin des points critiques[2] des constituants ou du mélange. En effet, une approche qui utilise deux modélisations structurellement différentes pour les deux phases est par nature incapable de représenter les situations où les deux phases deviennent identiques (point critique[2]).

Exemple

Pour illustrer cela, nous allons réutiliser le programme d'ajustement de paramètres de modèles sur des équilibres liquide-vapeur déjà utilisé dans le chapitre sur les équilibres de phases de mélanges. La version proposée ici contient plus de données de mélanges, et vous remarquerez peut-être qu'il y a un nouveau modèle disponible (RKS) que nous n'utiliserons pas tout de suite.

Nous nous intéresserons au mélange propane-éthanol pour lequel on dispose de mesures à des températures allant de 325 à 500K. Pour mémoire, la température critique[2] du propane est de 369,8K.

  • on constate que le modèle qui représente le mieux les données à 325K est NRTL[3], en fixant le paramètre \[{\alpha }_{12}\] à 0,47, puisqu'on a un mélange d'un constituant apolaire (propane) et d'un constituant auto-associant (l'éthanol). Les paramètres ajustés sont \[{\tau }_{12}=0,9587\] et \[{\tau }_{21}=0,6896\], l'écart moyen en pression est de 2%

  • gardons les mêmes paramètres, et essayons de voir comment cette modélisation s'extrapole vers de plus hautes températures. On constatera aisément que, avec les mêmes paramètres, on observe une déviation de 13% en pression sur l'isotherme à 350K, ce qui est considérable. Il est à noter que, pour les équilibres à 350K, la pression dépasse 20 bars : on est très loin du domaine de validité de l'équation des gaz parfaits...

  • à des températures encore plus élevées (et supérieures à la température critique[2] du propane), la lentille d'équilibre calculée n'a plus rien à voir avec la lentille expérimentale. En effet, le lentille expérimentale n'atteint plus l'axe de composition correspondant au propane pur, puisque le propane supercritique ne peut plus donner lieu à équilibre liquide-vapeur : la courbe de bulle[4] et la courbe de rosée[5] se rejoignent au point critique[2] du mélange en un maximum commun (sommet de la lentille). Ce comportement ne peut absolument pas être représenté par un modèle dans lequel aucune information sur les points critiques[2] n'a été introduite, et la lentille calculée parcourt toujours tout le domaine de composition. Pour les données à 500K, l'écart moyen entre pressions expérimentales et prédites à partir des données à 350K est supérieur à 80% !

  • essayez d'ajuster les paramètres du modèle uniquement sur la lentille d'équilibre à 500K : l'écart entre expérience et calcul diminue fortement, mais la forme de la lentille reste très différente de la lentille expérimentale.

Cet exemple montre bien que, dès que l'on s'approche de la zone critique, on a besoin de modéliser la phase liquide et la phase vapeur de façon cohérente : la solution est bien d'utiliser une équation d'état[6] valable pour les deux phases.