Calcul de la fugacité des constituants

Supposons donc que nous disposions d'une équation d'état[1] sous la forme \[P=P\left(T,V,\underline{N}\right)\].

Nous cherchons à calculer la fugacité[2] \(f_i\) du constituant \[i\] du mélange, définie par :

\[{\mu }_{i}\left(T,P,\underline{x}\right)={\mu }_{i}^{\left(\textrm{std}\right)}\left(T\right)+RT\ln\frac{{f}_{i} \left( T, P, \underline{x} \right)}{{P}^{\left(\textrm{std}\right)}}\]

(l'état standard[3] étant l'état de gaz parfait pur à la pression standard de 1 bar)

Pour un corps pur, nous avons défini le coefficient de fugacité[4] comme le rapport de la fugacité[2] à la pression. Cette définition s'étend à un constituant d'un mélange, en remplaçant la pression par la pression partielle[6] du constituant (produit de la pression par la fraction molaire[5] du constituant). Le coefficient de fugacité d'un constituant d'un mélange s'écrit donc :

\[{\varphi }_{i}=\frac{{f}_{i}}{{x}_{i}P}\]

On notera que même si le concept de pression partielle[6] n'est normalement utilisé que pour les gaz, cette définition du coefficient de fugacité[4] est valable tant dans une phase gaz que dans une phase liquide.

L'expression de la différentielle de l'énergie libre \[A\] :

\[{dA}=-P{dV}-S{dT}+\sum _{i}{\mu }_{i}{dN}_i\]

montre que : \[P={\left(\frac{\partial A}{\partial V}\right)}_{T,\underline{N}}\] et \[{\mu }_{i}={\left(\frac{\partial A}{\partial {N}_{i}}\right)}_{T,{N}_{j,j\ne i}}\]

On en déduit, par le théorème des dérivées secondes croisées, que :

\[\begin{array}{ccc}{\left(\frac{\partial {\mu }_{i}}{\partial V}\right)}_{T,\underline{N}}& =& \frac{\partial }{\partial V}{\left({\left(\frac{\partial A}{\partial {N}_{i}}\right)}_{T,V,{N}_{j,j\ne i}}\right)}_{T,\underline{N}}\\ & =& \frac{\partial }{\partial {N}_{i}}{\left({\left(\frac{\partial A}{\partial V}\right)}_{T,\underline{N}}\right)}_{T,{N}_{j,j\ne i}}\\ & =& -{\left(\frac{\partial P}{\partial {N}_{i}}\right)}_{T,{N}_{j,j\ne i}}\end{array}\]

Il en vient :

\[{\mu }_{i}\left(T,V,\underline{N}\right)-{\mu }_{i}\left(T,{V}_{0},\underline{N}\right)=-{\int }_{{V}_{0}}^{V}{\left(\frac{\partial P}{\partial {N}_{i}}\right)}_{T,{N}_{j,j\ne i}}{dV}\]

Cette relation est valable tant pour un fluide réel que pour un gaz parfait. Comme \[{P}^{\left(\mathrm{gp}\right)}=\left({\sum }_{j}{N}_{j}\right){RT}/V\] , on voit que

\[{\left(\frac{\partial {P}^{\left(\mathrm{gp}\right)}}{\partial {N}_{i}}\right)}_{T,{N}_{j,j\ne i}}=\frac{RT}{V}\]

On peut donc écrire, pour le fluide et un gaz parfait de même composition et à la même température, les deux relations suivantes :

\[\begin{array}{ccc} {\mu }_{i}\left(T,V,\underline{N}\right)-{\mu }_{i}\left(T,{V}_{0},\underline{N}\right)& =& -{\int }_{{V}_{0}}^{V}{\left(\frac{\partial P}{\partial {N}_{i}}\right)}_{T,{N}_{j,j\ne i}}{dV}\\ {\mu }_{i}^{\left(\mathrm{gp}\right)}\left(T,V,\underline{N}\right)-{\mu }_{i}^{\left(\mathrm{gp}\right)}\left(T,{V}_{0},\underline{N}\right)& =& -{\int }_{{V}_{0}}^{V}\frac{RT}{V}{dV} \end{array}\]

Faisons maintenant la différence membre à membre de ces deux équations, tout en faisant tendre le volume \[{V}_{0}\] vers l'infini : à volume infini, la pression tend vers zéro, et le fluide réel s'identifie à un gaz parfait. Il reste donc :

\[{\mu }_{i}\left(T,V,\underline{N}\right)-{\mu }_{i}^{\left(\mathrm{gp}\right)}\left(T,V,\underline{N}\right)={\int }_{V}^{\infty }\left({\left(\frac{\partial P}{\partial {N}_{i}}\right)}_{T,{N}_{j,j\ne i}}-\frac{RT}{V}\right){dV}\]

Il reste une subtilité dans le premier membre de cette expression, parce qu'on y compare le potentiel chimique[7] du constituant \[i\] dans le mélange réel et dans le gaz parfait de même volume, et non à la même pression. Or le coefficient de fugacité[4] est défini comme le rapport de la fugacité[2] du constituant \[i\] dans le mélange réel à sa fugacité[2] dans le gaz parfait à la même pression.

Soit donc \[P\] la pression s'exerçant sur le fluide réel, et sous laquelle le fluide réel occupe le volume \[V\].

Le gaz parfait de même composition et température qui occupe le volume \[V\] est lui à la pression \[{P}^{\left(\mathrm{gp}\right)}=N{RT}/V\] . Le potentiel chimique[7] du constituant \[i\] dans ce gaz parfait, mais à la pression \[P\] s'en déduit par :

\[\begin{array}{ccc} {\mu }_{i}^{\left(\mathrm{gp}\right)}\left(T,P,\underline{N}\right)& =& {\mu }_{i}^{\left(\mathrm{gp}\right)}\left(T,{P}^{\left(\mathrm{gp}\right)},\underline{N}\right)+RT\ln\frac{P}{{P}^{\left(\mathrm{gp}\right)}}\\ & =& {\mu }_{i}^{\left(\mathrm{gp}\right)}\left(T,{P}^{\left(\mathrm{gp}\right)},\underline{N}\right)+RT\ln \frac{PV}{NRT}\\ & =& {\mu }_{i}^{\left(\mathrm{gp}\right)}\left(T,{P}^{\left(\mathrm{gp}\right)},\underline{N}\right)+RT\ln Z \end{array}\]

\[Z=PV/{NRT}={Pv}/{RT}\] est le facteur de compressibilité du fluide réel.

En reportant dans l'expression précédente, on obtient :

\[{\mu }_{i}\left(T,P,\underline{N}\right)-{\mu }_{i}^{\left(\mathrm{gp}\right)}\left(T,P,\underline{N}\right)={\int }_{V}^{\infty }\left({\left(\frac{\partial P}{\partial {N}_{i}}\right)}_{T,{N}_{j,j\ne i}}-\frac{RT}{V}\right)dV-{RT}\ln Z\]

Or, le premier membre de cette expression s'identifie à \[{RT}\ln\varphi \] (il suffit d'appliquer la définition de la fugacité[2] pour le fluide réel et le gaz parfait).

et finalement

\[\mathrm{ln}{\varphi }_{i}\left(T,P,\underline{N}\right)={\int }_{V}^{\infty }\left({\left(\frac{\partial P/RT}{\partial {N}_{i}}\right)}_{T,{N}_{j,j\ne i}}-\frac{1}{V}\right)dV-\ln Z\]

Méthode

Pour exploiter cette relation :

  • on se fixe température, pression, composition, et on choisit la phase pour laquelle on veut faire le calcul (liquide ou vapeur)

  • on calcule les coefficients (\[{a}_{i}\] et \[{b}_{i}\] pour l'équation RKS[8]) de l'équation d'état[1] de chaque corps pur

  • avec les règles de mélange, on détermine l'équation d'état[1] du mélange (qui peut dépendre de paramètres d'interaction binaires, comme le \[{k}_{ij}\] de l'équation RKS[8])

  • on résout l'équation d'état[1] pour trouver le volume. S'il y a plusieurs racines en volume, on gardera la plus grande si on veut calculer les propriétés en phase vapeur, la plus petite si on demande les propriétés en phase liquide

  • on applique l'expression du coefficient du fugacité pour chaque constituant du mélange. On notera que la dérivée partielle de la pression par rapport à \[{N}_{i}\] suppose en fait de dériver les coefficients de l'équation d'état[1] par rapport à \[{N}_{i}\]. L'intégrale du second membre est en général analytique.

  • une fois le coefficient de fugacité[4] connu, la fugacité[2] s'en déduit immédiatement par \[{f}_{i}={\varphi }_{i}{x}_{i}P\]

La procédure est donc assez lourde, mais est assez aisément programmable.

Les fugacités[2] ainsi calculées en fonction des variables d'état pour le liquide et la vapeur peuvent être exploitées pour calculer les équilibres liquide-vapeur, en résolvant (numériquement) les équations d'équilibre entre phases : \[{f}_{i}^{\left(L\right)}\left(T,P,\underline{x}\right)={f}_{i}^{\left(V\right)}\left(T,P,\underline{y}\right)\]

Le simulateur fourni permet de calculer de tels équilibres entre phases, et de les comparer aux équilibres expérimentaux. Il s'agit en fait du simulateur que nous avons déjà vu, mais auquel on a rajouté un modèle d'équation d'état[1] : RKS[8]. Il permet donc d'ajuster le paramètre binaire \[{k}_{ij}\] de façon à représenter au mieux les données expérimentales.