Exercice : Peut-on faire confiance à UNIFAC en toutes circonstances ?
Question
On souhaite distiller à pression atmosphérique un mélange acétone (A)- propanol-2 (B) contenant 10% d'acétone (en fraction molaire[1]) pour obtenir de l'acétone pure à 98% et du propanol à 99%. La colonne est conçue en utilisant UNIFAC[2] pour modéliser les équilibres liquide-vapeur. Cette conception de la colonne est-elle réaliste ?
Indice
En utilisant UNIFAC[2], estimez le taux de reflux[7] minimal, puis utilisez un taux de reflux[7] égal à \(1,2 f_{f, min}\) pour calculer la colonne. Utilisez aussi le programme d'ajustement de paramètres sur les données expérimentales pour vérifier si UNIFAC[2] représente de façon satisfaisante les équilibres liquide-vapeur sous pression atmosphérique. Le cas échéant, essayez d'obtenir une meilleure modélisation des équilibres en utilisant NRTL[8], et refaites la conception de la colonne.
Comme il s'agit simplement de comparer des modèles thermodynamiques, faites les calculs en supposant une efficacité de plateaux de 1 et une alimentation à l'état de liquide saturé.
Solution
En utilisant UNIFAC[2], on trouve un taux de reflux[7] minimal de 3,26 pour la séparation demandée. On choisit donc un taux de reflux[7] de \(1,2 r_{f, min} = 3,9\). La séparation nécessite 20 étages (y compris le condenseur total) et la charge se fait sur le 13ième étage.
Si l'on compare la modélisation par UNIFAC[2] avec les données expérimentales disponibles pour ce mélange (lentille d'équilibre isobare à la pression atmosphérique), on constate une assez bonne représentation, en dépit d'une déviation systématique en température de l'ordre de 1K. On peut représenter les mêmes données expérimentales en utilisant NRTL[8]. Les paramètres ajustés sont \(\tau_{AB} = 0,6543\) et \(\tau_{BA}=-0,1071\) avec \(\alpha_{AB}=0,3\). Les déviations sont données dans le tableau suivant.
Les lentilles d'équilibres calculées par UNIFAC[2] et NRTL[8] sont comparées aux données expérimentales sur la figure suivante (a) ; la figure (b) compare les courbes d'équilibre \(y_A=f(x_A)\) utilisées par la construction de McCabe et Thiele calculées par chacun des modèles aux données expérimentales.
NRTL[8], avec les paramètres que nous avons ajustés, représente significativement mieux les équilibres liquide-vapeur de ce mélange qu'UNIFAC[2]. Il convient donc de préférer NRTL[8] pour calculer la distillation.
Si on utilise NRTL[8], on trouve que le taux de reflux[7] minimal est de 4,01, supérieur au taux de reflux[7] optimal qui était préconisé en utilisant UNIFAC[2] !
Méthode :
On choisira finalement une colonne fonctionnant avec un taux de reflux[7] de 4,8, comportant 19 étages (y compris le condenseur total) et alimentée au 11ième étage.
Il est remarquable de constater que, bien que les courbes d'équilibres calculées par NRTL[8] et UNIFAC[2] soient assez voisines, les colonnes de distillation conçues à partir de ces deux représentations thermodynamiques diffèrent considérablement.
En fait, la conception initiale de la colonne par UNIFAC[2] conduit à avoir l'une des droites opératoires (celle d'épuisement) très proche de la courbe d'équilibre. Le nombre de plateaux est alors très sensible à la précision sur la courbe d'équilibre. Dans ce genre de situation, il est préférable de choisir un taux de reflux[7] suffisamment grand pour éloigner suffisamment les droites opératoires de la courbe d'équilibre.
Question
On souhaite distiller un mélange acétone - eau contenant 10% d'acétone (en fraction molaire[1]) pour obtenir d'une part de l'acétone à 90% et d'autre part de l'eau à 99%. La distillation doit avoir lieu sous 5 bar.
Solution
Si on utilise UNIFAC[2], on trouve que la séparation est impossible. En effet, UNIFAC[2] prédit un azéotrope à la composition \(x_A=y_A = 0,845\).
Nous avons comparé la représentation des données expérimentales de ce mélange binaire par UNIFAC et NRTL[13] : la représentation par UNIFAC[2] n'est acceptable qu'au voisinage de la pression atmosphérique ; NRTL[8] permet par contre une représentation convenable des équilibres dans un large domaine de températures et pressions (bien au-delà de 5 bar) avec les paramètres suivants :
En utilisant NRTL[8] avec ces paramètres, on trouve que la séparation est possible. Le taux de reflux[7] minimum est de 1,67. Pour éviter une trop grande sensibilité à la précision sur la courbe d'équilibre, on choisira par exemple un taux de reflux[7] de 2,5, pour lequel la colonne devra compter 21 étages (y compris le condenseur total), avec une alimentation sur le 20ième étage.
Remarque :
Le binaire acétone-eau ne présente pas d'azéotrope à pression atmosphérique, l'azéotrope apparaît lorsqu'on augmente la pression. Nous avons déjà vu que l'augmentation de pression avait le plus souvent pour effet de dégrader la sélectivité des séparations liquide-vapeur, c'est bien le cas ici. On travaillera donc autant que possible sous pression atmosphérique. On peut cependant être amené à travailler sous pression plus élevée, en particulier si on souhaite pouvoir récupérer la puissance thermique cédée par le condenseur à un niveau de température suffisant : dans notre exemple, le condenseur est à 385K, et la chaleur dégagée peut dont être utilisée pour vaporiser de l'eau sous pression atmosphérique. On peut ainsi utiliser ce condenseur pour chauffer le rebouilleur d'une colonne atmosphérique où le constituant le moins volatil est de l'eau.