Démarche générale
Considérons maintenant un mélange ternaire non-idéal, dont le constituants sont notés (1), (2) et (3). Il est bien sûr possible d'aller explorer expérimentalement et en détail le diagramme de phases de ce mélange. Mais le travail est considérablement plus ardu que pour les mélanges binaires : on peut explorer l'axe de compositions d'un système binaire avec une dizaine de mélanges différents, mais explorer le plan des compositions d'un mélange ternaire avec la même finesse demandera de l'ordre de 50 compositions différentes (500 compositions différentes pour un mélange quaternaire, etc.).
Le travail expérimental est donc absolument rédhibitoire, c'est pourquoi on cherche toujours à prédire le comportement des systèmes multiconstituants à partir de celui des sous-systèmes binaires qui le composent.
L'idée est la suivante :
pour chacun des sous-systèmes binaires : (1-2), (1-3), (2-3) l'information expérimentale sur les équilibres liquide-vapeur est disponible (données isothermes et/ou isobares). Nous pouvons ainsi obtenir les matrices \tau et \alpha (matrices 3x3) ;
à partir de cette matrice, nous pouvons calculer l'enthalpie libre d'excès[3] d'un mélange quelconque des trois constituants, en déduire les coefficients d'activité[2], et donc calculer les équilibres ternaires.
Cette démarche suppose que l'information sur les binaires suffit pour prévoir le comportement des mélanges ternaires : d'une certaine façon, on admet que, même dans un mélange ternaires, les interactions entre molécules peuvent être décrites comme des interactions deux à deux : cette hypothèse est évidemment une simplification de la réalité, rien n'empêche dans une solution liquide, trois molécules (1), (2) et (3) de se rencontrer, ou de former ensemble des cellules au sein du mélange.
Il n'en reste pas moins que lorsqu'on utilise des expressions de l'enthalpie libre d'excès[3] construites pour des mélanges multiconstituants, comme NRTL[1] ou UNIQUAC[8], cette démarche est remarquablement efficace, et on obtient une très bonne prédiction du comportement des mélanges ternaires à partir de la seule connaissance des sous-systèmes binaires.
On évitera par contre, si on doit traiter des systèmes multiconstituants, d'utiliser des expressions comme celle de Margules[9] ou Van Laar[10] : ces expressions doivent être considérées comme des formes empiriques bien adaptées à des mélanges binaires, mais même la forme fonctionnelle de leur généralisation aux multiconstituants peut être discutée ; et quelle que soit la généralisation qu'on utilise, les résultats sont en général très décevants.
Le résultat que nous citons plus haut pour des expressions comme NRTL[1] ou UNIQUAC[8] est absolument essentiel : il suffit donc de connaître les binaires pour prédire le comportement des multiconstituants. On se contentera donc le plus souvent de l'information expérimentale sur les systèmes binaires, sur laquelle on ajuste les paramètres, pour prédire le comportement des mélanges. On pourra éventuellement réaliser quelques mesures expérimentales sur le mélange multiconstituant, afin d'estimer la précision de cette extrapolation. On peut ainsi éviter la détermination expérimentale d'un très grand nombre d'équilibres liquide-vapeur !
La méthode de contribution de groupes UNIFAC[11] (dont on rappelle qu'elle est dérivée d'UNIQUAC[8]) permet elle aussi de prédire le comportement d'un mélange multiconstituant, même si, à la base, les paramètres d'interaction de groupes ont été obtenus par régression de données d'équilibre liquide-vapeur binaires. Dans la mesure où les sous-systèmes binaires sont bien représentés, les mélanges le sont aussi.