Ductilité, fragilité et transition ductile-fragile
La ductilité est une propriété purement géométrique qui traduit la capacité des matériaux métalliques à se déformer avant rupture et ne préjuge pas de la contrainte nécessaire pour la provoquer. L’allongement à rupture, estimé lors d’un essai de traction, est par exemple une mesure de la ductilité. Qualitativement, la ductilité d’un matériau dépend de la capacité, plus ou moins grande, qu’ont les dislocations à se déplacer dans le réseau cristallin. Alors que les lois de la plasticité ne dépendent que du déviateur des contraintes, la rupture dépend à la fois du déviateur et de la partie sphérique (pression hydrostatique). La déformation à rupture dépend donc, contrairement aux lois de la plasticité, du type de sollicitation. Dans de nombreux cas, l’évolution de la déformation à rupture en fonction du mode de sollicitation peut être schématisée comme le montre la figure suivante, même si pour certains matériaux, la ductilité peut être plus importante en traction qu’en torsion.
Certains matériaux comme les céramiques caractérisées par des liaisons atomiques de type iono-covalent sont, parce que les dislocations sont très peu mobiles en leur sein, peu sensibles aux contraintes de cisaillement et périssent généralement sous l’effet des contraintes normales de traction ou de compression. Leur caractéristique contrainte-déformation ne présente qu’un domaine élastique et pas de domaine plastique. La rupture a lieu lorsque la contrainte atteint un seuil appelé communément la contrainte à rupture. L’évaluation théorique de cette contrainte peut se faire en estimant l’énergie nécessaire (\gamma_s énergie de surface, S surface rompue) pour créer dans le cristal déformé deux surfaces libres, lorsqu’une rupture intervient entre deux plans cristallographiques du matériau, en utilisant le modèle simple du ressort.
La rupture intervient quand l’énergie élastique W_{\textrm{élastique}} emmagasinée dans le matériau est supérieure à W_s (voir Fig.).
W_{\textrm{élastique}} = \frac{1}{2} F_{\textrm{théorique}} \cdot\Delta a_{\textrm{rupture}}
soit W_{\textrm{élastique}} = \frac{1}{2} \cdot \frac{F_t}{S} \cdot \frac{\Delta a_r}{a_0} \cdot S \cdot a_0 = \frac{1}{2} \cdot \sigma_t \cdot \epsilon \cdot S \cdot a_0 \quad \geq \quad 2 \gamma_s S
d’où \sigma_t \cdot \frac{\sigma_t}{E} \geq 4 \frac{\gamma_s S}{S a_0}
\, \quad \Rightarrow \sigma_t = 2 \sqrt{\frac{E \cdot \gamma_s}{a_0}} \approx \frac{E}{3} \textrm{ à } \frac{E}{10}
Or, en pratique, la contrainte à rupture mesurée est généralement comprise entre 10^{-2} \times E et 10^{-3} \times E. Pour lever cette contradiction entre théorie et expérience, il est nécessaire de considérer l’effet de concentration de contrainte lié à la présence de singularités géométriques présentes à la surface des matériaux sous la forme d’entailles mécaniques par exemple ou en volume sous la forme de porosités ou de défauts microstructuraux en particulier (voir Fig. suivante).
À l’approche de la singularité géométrique, l’évolution de la contrainte plane selon l’axe y (\sigma _{yy}) s’évalue en multipliant la contrainte nominale (\sigma_n) par le coefficient de concentration de contrainte K_t qui dépend des caractéristiques géométriques de la singularité (taille a et rayon de courbure en fonds d’entaille r).
\sigma_{yy} = \sigma_{n} \left( 1 + 2 \sqrt{\frac{a}{r}}\right) = \sigma_{n} K_t
Les matériaux métalliques de structure cubique centrée, par exemple les aciers, au comportement globalement ductile peuvent, s’ils sont sollicités à très basse température, typiquement en-dessous de -{10}{\rm \, °C} / - {50}{\rm \, °C} selon les nuances considérées, révéler un comportement fragile. C’est la mobilité des dislocations, vecteurs de la déformation plastique, qui est affectée par l’abaissement de température. La compacité de la structure \ce{CC} ({66}{\%}) étant moindre que celle des structures \ce{CFC} ({74}{\%}), la contrainte de cisaillement critique requise pour générer un glissement des dislocations y est plus élevée. De manière générale, la ductilité des structures \ce{CC} est donc moins grande que celle des structures \ce{CFC}. Ceci est particulièrement vrai à basse température quand le mouvement des dislocations est peu activé thermiquement. Le comportement change de manière abrupte dans une gamme de température relativement étroite caractéristique de la transition ductile-fragile. À la transition ductile-fragile, l’écart plastique (R_m – R_{e\,0,2}) et la striction s’annulent et l’énergie de rupture par choc, mesurée au mouton-pendule de Charpy, décroît fortement jusqu’à une valeur proche de zéro (voir Fig. suivante).
Rapportée à la surface rompue, et exprimée en \rm J.cm^{-2}, cette caractéristique s’appelle la résilience.