Élasticité, plasticité et lois de comportement
Comportement élastique
Phénoménologiquement, le comportement élastique, réversible et instantané, est aisément décrit par le schéma suivant qui présente l’évolution des paramètres temps, contrainte et déformation.
L’élasticité peut être linéaire, régie par la loi de Hooke caractéristique de l’ensemble des métaux, ou non linéaire dans le cas des élastomères en particulier ou dans le cas particulier de l’hyperélasticité. Elle peut être isotrope dans le cas général des métaux ou des alliages polycristallins ou encore anisotrope, emblématiquement pour les monocristaux mais également pour les polycristaux texturés. Enfin, l’élasticité peut avoir un caractère enthalpique dans le cas des corps cristallisés ou bien entropique, pour les polymères par exemple. Les solides cristallisés présentent un ordre à longue distance bien établi en relation avec leur structure cristalline. La déformation élastique se traduit par un déplacement collectif des atomes par rapport à leur position d’équilibre qui n’est pas de nature à générer un ordre structural supplémentaire. En d’autres termes, le système ne subit aucune variation d’entropie, c’est au contraire l’énergie interne qui augmente avec la déformation. On sait que la capacité de déformation élastique des métaux reste généralement très faible, de l’ordre de maximum, même si les déplacements peuvent être importants. C’est précisément le cas d’une tige métallique déformée élastiquement en flexion. Pour se convaincre du caractère enthalpique de la déformation, il suffit d’apprécier la quantité d’énergie restituée lorsque l’on relâche la flexion : elle peut être conséquente. Au contraire, dans le cas des polymères, la déformation élastique conduit à une augmentation de l’ordre structural généré par un arrangement des chaînes macromoléculaires. Thermodynamiquement, ceci se traduit par une diminution d’entropie. La quantité d’énergie restituée lorsque l’on relâche l’effort nécessaire à déformer un élastique de {1}{\%} est négligeable. Notons que cet élastique est par ailleurs déformable de façon réversible de quelques centaines de pourcent. Dans ce cas ultime, une part d’élasticité entropique doit bien sûr être considérée pour décrire précisément le comportement de l’élastomère.
Lorsque la restitution d’énergie élastique n’est pas instantanée, on parle - pour rendre compte de l’effet du temps sur le comportement du matériau - de viscolélasticité (voir Fig. suivante). Ce comportement très spécifique doit être distingué du fluage qui est un phénomène opérant à haute température, typiquement au-delà de la moitié de la température de fusion du matériau considéré, exprimée en Kelvin.
Comportement plastique
La plasticité rend compte de la capacité d’un matériau à se déformer de manière permanente et irréversible avant rupture. À l’échelle microscopique, la déformation plastique s’apprécie au travers de la déformation des grains métallurgiques. Elle-même induite, au plan cristallographique par des cisaillements importants de plans cristallins. Notons que tous les matériaux cristallins ne présentent pas cette propriété spécifique qui permet en particulier d’accommoder les sollicitations mécaniques imposées sans que le matériau ne subisse de rupture rédhibitoire. Typiquement, les matériaux cristallins capables de se déformer plastiquement sont ceux, métaux et alliages métalliques, contenant en leur sein des dislocations. Les céramiques ne présentent qu’un comportement élastique, leur rupture intervenant sans déformation résiduelle. Ce sont donc les dislocations, défauts cristallins linéaires se formant lors de la phase de solidification des métaux et des alliages, qui véhiculent la déformation plastique. La longueur de ligne de dislocations présentes dans {1}{\rm \, cm^3} de cuivre atteint {10^6}{\rm \, cm} ce qui se traduit par une densité de {10^6}{\rm \, cm^{-2}}. Les dislocations produisent au cours de leur mouvement un changement de forme définitif du cristal. Après élaboration des matériaux, les dislocations peuvent en outre se multiplier ou se recombiner.
Les dislocations se multiplient
Elles se multiplient, généralement sous l’effet des contraintes mécaniques appliquées (la densité peut atteindre 10^{12}{\rm \, cm^{-2}} dans le cuivre écroui). C’est le phénomène de multiplication, au travers des obstacles que les dislocations anciennement créées offrent au mouvement des nouvelles, qui conduit au durcissement par écrouissage. On parle prosaïquement d’interaction avec les arbres de la forêt de dislocations. Ce phénomène d’écrouissage, plus ou moins marqué selon les matériaux, est très utilisé pour augmenter, au détriment d’une ductilité optimisée, la limite d’élasticité. D’un point de vue comportemental, l’écrouissage se traduit par le caractère monotone croissant de la portion parabolique de la courbe rationnelle «contrainte-déformation» (voir Fig. Caractéristiques conventionnelles et caractéristiques rationnelles[5]). À haute température, les matériaux présentent pour la plupart des limites d’élasticité plus basses qu’à température ambiante et s’écrouissent très peu (voir Fig. suivante) car les dislocations peuvent, par glissement dévié activé thermiquement, éviter les obstacles qui s’opposent à leur mouvement. Elles peuvent également s’annihiler deux à deux, au fur et à mesure qu’elles se multiplient selon le processus de recombinaison décrit ci-dessous.
Les dislocations se recombinent
Elles se recombinent, en particulier sous l’effet d’une élévation de température, lors de la restauration des matériaux métalliques. Vectoriellement, il est aisé de comprendre que deux dislocations de signe opposé et se déplaçant en sens opposé s’annihilent quand elles se rencontrent (voir Fig. suivante). Métallurgiquement, le processus de restauration opère lorsque, après mise en forme, le matériau hors d’équilibre et présentant une importante densité de défauts ponctuels et de dislocations en liaison avec l’intense déformation qu’il a subie, est porté à haute température. Les mouvements collectifs, synergétiques et thermiquement activés des défauts permettent d’abaisser leur densité par élimination des défauts ponctuels, annihilation des dislocations de signe opposé et création de parois de polygonisation. Ce processus précède celui de la recristallisation, active à plus haute température encore, qui met en jeu, lors d’un traitement thermique dédié, le mouvement des joints de grains afin de générer au dépend de la matrice écrouie une structure de grain largement isotrope et homogène, non déformée.
Au sein d’une structure sous contrainte, la plasticité peut se développer sous plusieurs formes qu’il est important de distinguer :
Dans le cas où tous les points de la pièce dépassent la limite élastique, en d’autres termes lorsque aucune zone élastique n’impose ses conditions aux limites, on parle de plasticité généralisée : c’est le cas typique des déformations imposées lors de la mise en forme des matériaux. Pour le milieu continu, ces déformations peuvent être très grandes (de l’ordre de 100 à {300}{\%} typiquement).
Quand la région déformée plastiquement est entourée d’une zone élastique qui impose ses conditions aux limites on parle :
de plasticité partielle : c’est le cas des déformations imposées par auto-frettage ou par expansion d’alésage (cold-working),
ou bien encore de plasticité confinée lorsque la zone plastique est limitée en fonds d’entailles (changement de forme intentionnel lié par exemple à un alésage ou un épaulement) ou en pointe de fissure (rupture localisée non intentionnelle). Dans un milieu continu, ces déformations plastiques localisées sont faibles et comparables aux déformations élastiques (0,1 – {3}{\%} typiquement). Par contre, elles peuvent être importantes dans un milieu fissuré.