Historique
Lorsque l’on déforme un cristal au-delà de son domaine élastique, on voit apparaître à sa surface des lignes appelées traces de glissement (voir illustration ci-après).
Ces traces correspondent à de petites marches qui traduisent le glissement des plans cristallins les uns par rapport aux autres. Elles sont la manifestation du mouvement, sous l’effet des efforts mécaniques, de défauts linéaires présents dans le cristal : les dislocations.
Le concept de dislocation a pour origine le profond désaccord entre la théorie et l’expérience concernant la déformation plastique (permanente) des cristaux par cisaillement. La limite élastique théorique d’un cristal correspond à la contrainte la plus faible nécessaire pour obtenir la déformation plastique la plus petite possible. Sous l’effet d’une contrainte de cisaillement τ, on peut induire le déplacement relatif d’une partie du cristal par rapport à une autre suivant un plan compact (pour obtenir la plus petite déformation possible : une distance interatomique) et selon le schéma présenté ci-après.
Le travail de cette contrainte est égal au travail à exercer contre les forces de cohésion du cristal. Si a est le paramètre de réseau et x le déplacement relatif des deux parties du cristal, on peut représenter la relation contrainte-déplacement par :
τ=τ0.sin(2πx/a) où τ0 est la limite élastique théorique (voir Fig.).
En faisant l’hypothèse de petites déformations et celle d’un comportement élastique linéaire, on a :
τ=τ0.(2πx/a) et le cisaillement γ=x/a,
d’où :
τ=μ.γ=μ.x/a=τ0.2πx/a
soit :
τ0=μ/2π
Ce modèle théorique, ne tenant compte que des forces de cohésion, prévoit donc que le cristal se déforme plastiquement pour une contrainte typiquement de l’ordre du sixième du module élastique. Or, en pratique on constate que dans de nombreux cas, la déformation plastique intervient pour des contraintes beaucoup plus faibles d’un facteur pouvant atteindre 1 000 voire 10 000 ou plus (tableau ci-dessous).
module de cisaillement (GPa) | limite élastique τ0(MPa) | μ/τ0 | |
---|---|---|---|
Sn monocristal | 19 | 1,3 | 15000 |
Ag monocristal | 28 | 0,6 | 45000 |
Al monocristal | 25 | 0,4 | 60000 |
Al pur polycristallin | 25 | 28 | 900 |
Al commercial écroui | 25 | 99 | 250 |
Duralumin | 25 | 360 | 70 |
Fe doux polycristal | 77 | 150 | 500 |
Acier au carbone traité thermiquement | 80 | 650 | 120 |
Acier nickel-chrome | 80 | 1200 | 65 |
En 1934, trois chercheurs, Taylor, Orowan et Polanyi, établirent indépendamment que la présence d’imperfections cristallines à l’intérieur des matériaux pouvait expliquer cette divergence. Dans ces conditions, le glissement relatif des deux parties du cristal ne se fait pas en bloc, mais grâce à la propagation de ces imperfections le long d’une direction et dans un plan donné, selon les directions et les plans les plus denses (voir Fig.). Leur déplacement peut alors provoquer une déformation même pour de faibles niveaux de contrainte.
Ces imperfections sont les dislocations. Ce sont des défauts linéaires qui se déplacent le long des plans atomiques. De tels défauts permettent une déformation plus facile car la majeure partie du cristal demeure inaltérée.
Les dislocations ont été observées pour la première fois vers 1950 par Hedges et Mitchell dans des cristaux d’halogénures d’argent. On observe aujourd’hui couramment les dislocations en microscopie électronique. Cette technique a été utilisée pour la première fois en 1956 par Hirsch, Horne et Whelan. Le déplacement des dislocations dans les cristaux peut être également visualisé en réalisant des expériences «in situ» consistant à reproduire, à l’intérieur même du microscope et grâce à une micro-machine de traction, un essai de déformation.