Ténacité

La ténacité fait partie de la carte d’identité du matériau au même titre que son module d’élasticité ou encore sa limite d’élasticité. À ce titre, elle revêt un caractère dimensionnant et s’avère être, dans bien des cas, un critère de choix des matériaux pour une application donnée.

Elle est définie par :

a_c correspond à la longueur critique de la fissure pour la contrainte appliquée \sigma_\infty. La longueur d’une fissure ne renseigne en rien sur son caractère dangereux ou non. Il est nécessaire de connaître la contrainte appliquée \sigma_\infty, de calculer le facteur d’intensité de contrainte K_I et de le comparer avec la ténacité K_{IC}.

Le tableau suivant donne des valeurs de taille critique de fissure pour quelques matériaux en fonction de la contrainte appliquée.

Ténacité (K_{IC}), résistance à la traction (R_m) et taille critique de fissure (a_c) en fonction de la contrainte appliquée (\sigma_\infty) pour différents matériaux

K_{IC}{\rm (MPa.m^{1/2})}

R_m{\rm (MPa)}

a_c{\rm (mm)}

\frac{\sigma_\infty}{R_{0,2}}=1

\frac{\sigma_\infty}{R_{0,2}}=0,5

\frac{\sigma_\infty}{R_{0,2}}=0,33

2014

40

500

2

8,1

18,3

\ce{TA6V}

85

1020

2,2

8,8

19,5

\ce{40CrMoV20}

42

1850

0,16

0,65

1,4

\ce{35NiCrMo16}

95

1850

0,84

3,3

7,5

céramique

5

800

0,0012

0,05

0,11

La ténacité est généralement déterminée expérimentalement à l’aide d’un essai de traction lente sur une éprouvette spécifique (éprouvette CT : compact tension) pourvue d’une entaille mécanique et préalablement pré-fissurée en fatigue (longueur de pré-fissure a_0). La sollicitation de traction lente conduit à la rupture de l’éprouvette. Graphiquement, l’intersection d’une droite de pente équivalente à {95}{\%} de celle de la droite élastique reliant la force à l’ouverture de la fissure avec la courbe de traction correspond à une force F_Q. Cette force s’exprime en fonction d’un paramètre K_Q homogène à une ténacité ({\rm MPa.m^{1/2}}). Si des conditions géométriques spécifiques sont réunies, alors K_Q = K_{IC} (voir Fig. suivante).

Schématisation d'une éprouvette CT en phase de fissuration | Philippe Lours, École des mines d'Albi-Carmaux, 2014. | Informations complémentaires...Informations
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Courbe de traction et ouverture d'une fissure | Philippe Lours, École des mines d'Albi-Carmaux, 2014. | Informations complémentaires...Informations
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Détermination expérimentale de la ténacitéInformations

K_Q = \frac{F_Q}{t\sqrt{w}}. f \left( \frac{a}{w}\right)

Pour que l’on puisse considérer que K_Q = K_{IC}, il faut que la taille de la zone plastique soit petite par rapport au ligament (w-a), ce qui nécessite que :

a \geq 2,5 . \left( \frac{K_Q}{R_{0,\,2}} \right) ^2t \geq 2,5 . \left( \frac{K_Q}{R_{0,\,2}} \right)^2

Bien que simple dans sa description, l’essai est en réalité complexe et coûteux :

  • la propagation convenable de la fissure n’est garantie que si toutes les faces de l’éprouvette sont parfaitement rectifiées,

  • l’amorçage satisfaisant n’est assuré que si le rayon à fond d’entaille est précis,

  • la fin de la pré-fissuration doit être réalisée avec des contraintes faibles de façon à avoir une zone plastique en pointe de fissure de petite dimension avant la phase de traction monotone,

  • dix-huit conditions doivent être vérifiées successivement pour pouvoir conclure que le paramètre K_Q calculé correspond bien à la ténacité du matériau.

L’approche développée en mécanique de la rupture diffère fondamentalement de celle, adoptée en résistance des matériaux où les sollicitations appliquées sont seulement comparées à la limite d’élasticité ou la résistance à la traction du matériau sous contrainte. En mécanique de la rupture, il convient de s’intéresser non seulement à la contrainte appliquée, mais également à l’occurrence et à la taille de fissures présentes dans le matériau ainsi qu’à la ténacité du matériau (voir Fig. suivante).

Approche comparée en résistance des matériaux et en mécanique de la rupture | Philippe Lours, École des mines d'Albi-Carmaux, 2014. | Informations complémentaires...Informations
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Ainsi, les principales questions posées par l’étude du comportement mécanique des pièces fissurées sont les suivantes :

  • quelle est la résistance résiduelle en fonction de la longueur des fissures ?

  • quelle taille de fissure tolérer à la charge de service (taille critique) ?

  • quel temps met une fissure pour se propager d’une taille initiale donnée jusqu’à la taille critique ?

  • quelle taille de défaut pré-existant accepter à la mise en service d’une pièce ?

  • à quelle fréquence la pièce doit-elle être inspectée ?

Ainsi, l’étude du comportement des matériaux à la rupture nécessite une approche multi-échelles couvrant largement les domaines généralement exploités par la science des matériaux et la mécanique appliquée (voir Fig. suivante).

Approche multi-échelles adoptée en mécanique de la rupture | Philippe Lours, École des mines d'Albi-Carmaux, 2014. | Informations complémentaires...Informations
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